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Me Michèle M’Packo “Les habitants de Bali ont été abusés sur le plan légal et coutumier”

L’avocate au barreau du Cameroun analyse les contours des casses de Dikolo et explique la procédure à suivre par les riverains après ce déguerpissement.

Par Blaise Djouokep

Quatre jours après l’expropriation des populations au quartier quelle lecture faites-vous de cette situation qui a plongé de nombreuses familles dans la rue, sans abris ?

J’ai une lecture à deux niveaux. Au niveau légal puisque j’ai été consulté par certaines des familles qui étaient installées sur ce site depuis plusieurs décennies, mais également au niveau traditionnel, coutumier et historique, bien évidemment. Puisque nous parlons de Dikolo, de Bali, de la famille Bell, d’une figure emblématique de l’histoire du Cameroun qui est Rudolph Douala Manga Belle qui a été pendu pour les mêmes raisons que ce que nous vivons aujourd’hui. Voilà les deux niveaux de lecture.

Je ne voudrais pas et j’essaie dans la mesure du possible de ne pas créer de confusion entre ces deux niveaux de lecture. Mais, on ne peut pas reprocher aux personnes qui ont été victimes de cette expropriation, qui de mon point de vue et par rapport aux dispositions de la loi sur l’expropriation, de revendiquer, étant donné qu’en l’état des informations qui m’ont été rapportées, ces expropriations n’ont pas respectées la loi. Elles sont viciées.

Quelles sont les aspects de cette loi qui ont été violées sur le plan légal et coutumier ?

Sur le plan légal, la loi n’a pas été respectée et c’est dommage que ce soient les représentants de l’Etat qui sont à l’origine de cette violation de la loi. Cela a tendance à se reproduire de plus en plus, et malheureusement, de ce que j’ai pu lire, le Premier ministre a été approché. A-t-il donc autorisé ces expropriations ? Le Mindcaf a signé un arrêté qui, de mon point de vue n’est pas fondé sur le plan du droit. N’étant pas fondé sur le plan du droit, les victimes de cette situation peuvent saisir le garant de l’application de la loi administrative qui est le tribunal administratif compétent.

Les populations de Dikolo manifestent contre les casses le 20 mai 2022

En ce qui concerne le volet coutumier, les personnes qui ont été expropriées sont détenteurs pour certains du moins, d’un titre foncier. Donc, leur propriété sur cette parcelle est légalement établie. Le titre foncier étant la certification matérielle de la propriété. Donc, la procédure aurait due être respectée. On ne parle pas du domaine public. On ne peut pas s’empêcher de penser qu’encore une fois, c’est le canton Bell qui est indexé, et victime de ces expropriation, après celles d’Essengue et de Bonanjo.

Les cas d’Essengue et Bonanjo sont-ils différents de la situation que vivent les habitants déguerpis de Bali ?

Dans le cas de Essengue et de Bonanjo, c’est le Port autonome de Douala qui a procédé à ces expropriations. Le Pad a respecté une procédure et il bénéficiait d’un arrêté d’extension de la zone portuaire. Le port bénéfice d’un décret qui lui attribue la gestion exclusive du domaine portuaire. Le Port est un établissement étatique. Je ne suis pas sure que ce soit le même cas pour Dikolo. Le Mariot hôtel n’est pas un établissement étatique. C’est une personne morale de droit privé. Ce n’est pas un ministère qui a demandé l’expropriation. Le projet ne concerne pas l’Etat du Cameroun. Ce n’est pas un ministère qui a demandé l’expropriation. Cela concerne une personne morale de droits privés.

Est-ce que, pour cette raison, l’Etat du Cameroun peut se permettre de mettre à la rue des populations Camerounaises pour le bénéfice du Mariot hôtel ? Les droits de ces populations qui sont des droits ancestraux d’une part et des droits de propriété légalement établis d’autre part, peuvent-ils être bafoués pour un bail emphytéotique ? Ce d’autant plus qu’apparemment, les mentions de ce bail emphytéotiques portent sur une parcelle totalement différente localisée à plusieurs dizaines de kilomètres. Je pense qu’il y a un sérieux problème. Et c’est un problème de crédibilité même de l’Etat du Cameroun par rapport aux textes qu’il a ratifié. Parce que ces populations sont des minorités autochtones. Et notre constitution protège les droits de ces minorités autochtones, les Nations Unies protègent les droits de ces minorités. Et je ne suis pas sure que la direction du Mariot hôtel serait très à l’aise avec ce dossier. Voilà ma position par rapport à cette situation.

On ne peut pas parler d’une erreur d’appréciation. A ce niveau là, ce n’est plus une erreur. Il y a une volonté. Et il faut qu’elle se manifeste clairement. Il faut que les véritables motivations des uns et des autres soient publiques. Il ne s’agit plus de faire les choses en catimini. Et le problème c’est qu’en 2022, ce dossier est monté en catimini, et en violant les droits des populations.

L’INTEGRALITE EN VIDEO 

Comment doit se faire la procédure devant aboutir à une expropriation foncière, comme celle du quartier Dikolo par Bali?

Cette procédure commence par un projet présenté par un ministère ou par une personne morale de droits publics. Projet soumis à l’appréciation des ministres de l’Urbanisme et de l’Habitat, et du Domaine et des affaires foncières. Sur la base de cet arrêté, les autorités administratives territorialement compétentes sont informées, publient l’arrêté et prennent les dispositions pour protéger les droits des populations concernées. Parmi les mesures prises pour protéger les droits de ces populations, il y a le recasement, l’indemnisation. Vous ne pouvez pas mettre à la rue quatre-vingt (80) familles et les regarder se débrouiller. Et seuls ceux qui bénéficient d’un titre foncier peuvent bénéficier de l’indemnisation et du recasement.

Le problème aurait-il été le même si le projet prévu être réalisé sur ce site était un projet de l’Etat ?

Non ! Puisque la procédure instituée par la loi concerne l’Etat, les projets étatiques. En l’occurrence, ce n’est pas un projet étatique. C’est un hôtel. Un hôtel étranger. Et pour cela, on sacrifie 80 familles.

Maintenant que le mal est fait. Que peuvent faire les familles pour que le droit soit dit sur cette affaire ?

Les familles doivent se rassembler. Trouver des voies et moyens pour rassembler leur documentation. Justifier de leur propriété. Elles doivent consulter des avocats. Prendre des dispositions pour saisir le tribunal administratif de Douala. Les instances judiciaires doivent se prononcer. Après cela, le reste relève des stratégies que les uns et les autres peuvent être en place pour que leurs droits soient reconnus, qu’elles soient indemnisés et recasés. C’est- ce que prévoit la loi.

Casses de Dikolo

Mais si d’aventure, comme je le crains, l’Etat a violé sa propre loi, ce serait très grave. Fait-il que les camerounais en général et le peuple Sawa en particulier entérine qu’ils n’ont plus la place qui leur est due au Cameroun ? Devons-nous considérer que le Cameroun n’envisage pas de protéger les camerounais et leurs biens ? Si les camerounais ne sont pas à leur place au Cameroun, où vont-ils aller ? Où est-ce que l’Etat a prévu de les mettre ?

Nous sommes un pays en guerre. Mais cela justifie-t-il ce qui est en train de se passer ? Nous avons conscience que l’Etat a des problèmes financiers. Est-ce que la corruption de l’Etat Camerounais est donc arrivée à ce point ? Il fait qu’on sache si oui ou non les camerounais ont encore des droits au Cameroun. Devons-nous entériné que l’Etat du Cameroun est un Etat voyou ? Allons-nous réécrire l’histoire ? Nous sommes en 2022, mais, nous vivons des situations qui datent du 18ème siècle. Et ce n’est pas normal. Si l’Etat du Cameroun a un calendrier, qu’il publie ce calendrier et qu’il prenne des mesures pour que les choses se fassent de manière correcte, dans le respect des droits et de la dignité des camerounais. C’est inacceptable ce qui se passe là.

LIRE AUSS: Déguerpissement de Dikolo : le Roi Bell et les Sawa se recueillent sur le site

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