Joshua Osih : « l’heure du départ a sonné pour le président Paul Biya »
Le président national du Social democratic front (SDF) salue la sortie des évêques et invite les Camerounais à s’inscrire massivement sur les listes électorales. Il les exhorte à aller voter afin de mettre fin à leurs souffrances en choisissant un autre président pour le Cameroun. Au cours de l’échange qu’il a eu avec la presse, Osih a estimé que Paul Biya a compris que le peuple ne veut plus de lui.
Par Blaise Djouokep
Qu’est-ce qui justifie cette rencontre avec la presse ce 07 janvier 2025 ?
On est ici pour communier. C’est une vieille tradition dans le SDF. Depuis les années 90, la présidence nationale du parti tenait à recevoir la presse aussi souvent que possible, pour échanger, briser les barrières, créer des ponts. Vous êtes un relais de la politique, vous êtes le 4ème pouvoir. Et donc, il est très important pour nous d’être en phase avec vous. Nous avons le devoir de vous inviter à nos conférences, réunions, congrès et à des occasions comme celles-ci, comme vous le faites avec nous sur vos plateaux et dans vos tribunes.
Cette tradition n’a pas été respectée l’année dernière. Pourquoi l’avoir fait cette année ?
Cette année est encore plus importante que toutes les autres années. Vous savez comme moi que c’est la toute dernière année de cette première République, c’est-à-dire de 64 ans de règne qui a laissé ce pays en lambeaux. Puisque c’est la dernière année de M. Biya, il est important pour nous (le SDF et la presse) d’être en phase, de pouvoir discuter de façon sérieuse.
On peut donc dire que le SDF est en campagne électorale…
Nous sommes déjà en 2025. Et nous préparons quatre élections, la présidentielle, les législatives, les municipales et les régionales. Les quatre élections viendront dans la même vague, en fin d’année 2025 et en début d’année 2026. Cela veut dire que, quand le registre électoral fermera d’ici mi-juin ou mi-juillet, il ne rouvrira qu’après les municipales. Et nous serons candidats à toutes ces élections. C’est pour cela qu’il faut que nous restions en phase avec les médias.
Nous sommes en année électorale et le contexte est marqué par des sorties des évêques de l’Église catholique, suite au discours de fin d’année du chef de l’État. Votre avis sur ces sorties ?
Tout ce que je souhaite par rapport aux discours, c’est la liberté. Beaucoup de nos camarades ont tout perdu, sont morts pour ce combat pour la liberté. Nous souhaitons mettre fin à la censure. Que les gens disent ce qu’ils pensent réellement et qu’ils ne soient pas censurés. Le président de la République, en s’adressant à la Nation le 31 décembre 2024, a clairement dit qu’il a compris qu’on était fatigué de lui. C’est ce qu’il a dit et que les gens ont changé en autre chose. Il a dit qu’il nous a compris. S’il nous a compris, c’est qu’il a compris qu’on est fatigué de lui et qu’on veut qu’il parte, qu’on ne veut plus de lui. D’ailleurs, certains médias d’État ont retourné ses propos pour nous faire croire qu’il veut être candidat.
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Depuis que je réfléchis, j’ai un seul président, il s’appelle Paul Biya. Je sais un peu quelles sont ses prises de position, et donc, je suis conscient que ce qu’il a dit, c’était un au revoir. Et ce que les évêques ont fait, c’est de le conforter dans sa position et lui dire qu’il a essayé pendant longtemps, mais que les gens meurent, les gens ont faim et soif, et qu’il faut qu’il arrête et laisse la place à quelqu’un d’autre. Voilà ce que les évêques ont dit. Et ils ont le droit de le dire.
La sortie des évêques est-elle à condamner, d’après vous ?
Les évêques ont exprimé les pensées et les souffrances du peuple. Maintenant, si cette sortie des évêques n’arrange pas certains autour de Paul Biya, c’est leur problème. Mais, ils ne doivent pas penser qu’ils ont le monopole de cette réflexion, de la liberté de parole. Tout le monde a droit à la parole et dire qu’on ne veut plus d’un président de la République qui est là depuis 42 ans et d’un régime qui est là depuis 1965, c’est le droit le plus absolu de tout citoyen.
Force est de constater aujourd’hui, avec tout ce que nous vivons à gauche et à droite, autour de nous, que nous sommes au bout de notre résilience. Nous sommes au bout de notre épuisement et nous n’en pouvons plus. 10 millions de Camerounais aujourd’hui vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est plus que le nombre de Camerounais qu’il a trouvé quand il est devenu président, il y en avait 7,5 millions. Donc, c’est un échec criard.
Qu’auriez-vous espéré que le président de la République dise dans son adresse à la nation le 31 décembre 2024 ?
Quand on écoute le président de la République le 31 décembre, le minimum c’est de nous donner un bilan. Si vous êtes incapables de nous dire ce que vous avez fait en un an, dites-nous ce que vous avez fait en 42 ans. Malheureusement, force est de constater qu’il est incapable de le faire. Par ailleurs, il a fait le constat que l’heure du départ a sonné. Ce constat, l’Église catholique l’a remarqué et elle n’est pas la seule. Tout le monde l’a vu. Mais, ils ont une tribune que d’autres n’ont pas. C’est pour cela que, du haut de cette tribune, ils ont dit tout haut ce que pensent les autres tout bas.
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La majorité camerounaise a toujours été une majorité silencieuse. Quand vous voyez aujourd’hui comment les fêtes de fin d’année se sont passées, avec des rues désertes, très peu de musique entendue, vous comprenez que le Cameroun est au bout du rouleau. Et celui qui incarne cet échec, tout ce qu’il peut encore faire pour nous éviter un bain de sang, c’est de partir.
Que doivent savoir les Camerounais relativement à la prochaine présidentielle ?
Il faut que les citoyens camerounais sachent qu’ils ont un choix, et qu’il est possible, à travers les urnes, de faire ce changement. Il faut que ceux qui ne sont pas inscrits aillent s’inscrire massivement aujourd’hui. Et que, le jour de l’élection, que les Camerounais aillent massivement voter, qu’ils fassent un choix libre, un choix pour eux-mêmes pour les 7 prochaines années, et un choix surtout pour leurs enfants. Vous ne pouvez pas vous plaindre, présenter le catalogue de plaintes que vous avez aujourd’hui et ensuite, décider de garder au pouvoir ceux qui créent ces plaintes. C’est impossible.
Soit, à l’aune d’octobre ou de novembre 2025, les Camerounais vont tous applaudir, dire que le pays est parfait, que tout le monde a du travail, à manger, à boire et à se soigner et à envoyer les enfants à l’école, soit ils sont d’accord qu’il y a un problème qu’il faut régler. Et quand il y a un problème à régler en démocratie, cela se passe par une alternance. Donc, au Cameroun, une alternance s’impose.
Changer le président Biya suffit-il pour résoudre ce problème d’alternance et de mal-être des Camerounais ?
Il faut que le système qui nous gouverne change. Parce que si on prend quelqu’un qui est dans l’entourage de M. Biya, quelqu’un qui a été dans son entourage, quelqu’un qui a l’ADN de ce système qui nous a tant maté, le système ne changera pas. Et si le système ne change pas, on aura un autre président, mais les mêmes souffrances.
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C’est le système qu’il faut changer. C’est pourquoi nous, au SDF, proposons depuis 1990 de redonner le pouvoir au peuple, à travers le fédéralisme, à travers le parlementarisme, pour faire en sorte que, plus jamais, il y ait un président de la République qui concentre tous les pouvoirs de l’État. Il faut aussi que cela change pour qu’on commence à construire ensemble une nation, chose que cette République n’a pas faite en 65 ans.
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