Discours de haine : des patrons de presse appellent à plus de responsabilité

Dans une tribune publiée le 6 mars 2025, seize dirigeants de presse alertent sur la fragilisation de l’unité nationale et l’exacerbation des tensions qui menacent l’intégrité sociale du pays.
À moins de dix mois de l’élection présidentielle, les tensions sociales s’intensifient. Sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, les discours divisifs et les incitations à la haine deviennent de plus en plus fréquents. Face à cette situation, seize dirigeants de presse ont pris position dans une tribune publiée ce jeudi 6 mars 2025. Les signataires de cette tribune rappellent que le Cameroun est un pays diversifié, composé de plus de 200 ethnies. Depuis peu de temps, en à peine un demi-siècle, ces groupes apprennent à construire une identité nationale commune. Mais, selon eux, les discours clivants fragilisent ce processus d’unité et exacerbent des tensions dangereuses qui menacent l’intégrité sociale du pays.
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Les auteurs de la tribune soulignent que la responsabilité des discours de haine ne repose pas uniquement sur les hommes politiques. Ils pointent également du doigt certains journalistes et analystes médiatiques qui, en quête d’audience, nourrissent les rancœurs communautaires. « Quel honneur y a-t-il à attiser la haine ethnique sur un plateau télé ? », s’interrogent-ils, tout en rappelant que la Charte d’éthique mondiale des journalistes, adoptée par la Fédération internationale des journalistes (FIJ), interdit de diffuser des informations ou opinions susceptibles de nourrir la haine ou les préjugés. « Un principe que certains professionnels négligent », déplorent-ils.
La défense de la liberté d’expression et de l’éthique professionnelle
Accusés par certains de vouloir restreindre les opinions dans un cadre de libre expression, les journalistes rejettent ces accusations et affirment que défendre l’éthique professionnelle et dénoncer les discours haineux ne signifie pas interdire les opinions divergentes. « Nous appelons simplement à un usage responsable de la parole publique, où les arguments l’emportent sur les attaques personnelles, et où les médias assument pleinement leur rôle de régulateur du débat démocratique »,déclarent-ils avant de rajouter « la liberté d’expression va de pair avec la responsabilité ; il est de notre devoir de veiller à ce qu’elle ne devienne pas un prétexte pour diviser notre société ».
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Un autre point soulevé par les signataires concerne le laxisme des autorités. Ils mentionnent que, bien que le Code pénal camerounais prévoie des peines de deux ans d’emprisonnement et des amendes pouvant atteindre trois millions de Fcfa pour les discours de haine, ces lois ne sont que rarement appliquées. « En restant laxistes face aux entrepreneurs de la haine, les pouvoirs publics font le lit d’un possible déchirement de la cohésion nationale », écrivent-ils.
Le rôle insuffisant des institutions
Les patrons de presse expriment également leur inquiétude vis-à-vis de certaines institutions qui, selon eux, ne jouent pas pleinement leur rôle dans la lutte contre les discours haineux. L’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (Antic), la Commission nationale pour le bilinguisme et le multiculturalisme, ainsi que le Conseil national de la communication (CNC) sont particulièrement visés, accusés de manquer de vigilance face à cette problématique.
La tolérance croissante envers les “entrepreneurs de la haine” est une source de grande inquiétude pour ces derniers. « Quelle gloire professionnelle peut revendiquer le journaliste ou le panéliste qui alimente les rancœurs à coups de stéréotypes ? Quelle ambition veut atteindre l’homme politique qui montre de la complaisance face à la prolifération des discours haineux et/ou de l’intolérance dans ses rangs ? », renchérissent-ils. Les signataires de la tribune rappellent que des pays voisins ont sombré dans le chaos en raison de la banalisation des discours haineux. Ils appellent les autorités à appliquer la loi avec rigueur et exhortent les journalistes à ne pas devenir des amplificateurs de ces discours divisifs.
Liste des signataires 👇🏾
François Bambou, directeur de publication de Défis Actuels et président de ONE NATION, association pour l’élimination du tribalisme et la promotion du vivre-ensemble
Georges Alain Boyomo, directeur de publication, MUTATIONS
Séverin Tchounkeu, directeur de publication, La Nouvelle Expression, PDG Équinoxe TV,
HAMAN Mana, président de la Fédération des éditeurs de presse du Cameroun (Fedipresse), directeur de publication, Le Jour
Guibaï Gatama, directeur de publication, L’Œil du Sahel
Émile Fidieck, directeur de publication, EcoMatin
Christian Ngah, directeur de publication, The Guardian Post
Chantal Nga, directrice de publication, Ladies News
Valentin Siméon Zinga, directeur de publication, Lignes d’Horizons, président de l’association Médias, Médiations et Citoyenneté
Nancy Fawoh, directrice de publication, Le Gideon
Yerima Kini Nsom, directeur de publication, The Post
Randy Joe Sa’ah, The Daily Voice
Thierry Ndong Owona, directeur de publication, Intégration
Jean François Channon, directeur de publication, Le Messager
Michel Eclador Peckoua, directeur de publication, Ouest Échos
François Mboke, directeur de publication, Diapason, président du Réseau des patrons de presse
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