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Bonambome : la mangrove qui recase les déplacés du NOSO

Habité en grande majorité par les déplacés de la crise anglophone, ce lieu marécageux est le nouveau refuge de ces populations qui manquent de tout, vivent les pieds dans l’eau, tout en essayant de se reconstruire.

Au loin, on dirait une mangrove, une zone inhabitée. Mais, plus on avance, plus la réalité est toute autre. Des maisons construites en matériaux provisoires et sur pilotis heurtent presque la vue. En cette saison des pluies, de nombreuses maisons sortent également de l’eau. Dans ce marécage boueux de couleur noire, des morceaux de lattes plantées dans le sol laissent clairement deviner les contours de maisons. A Bonambome, les maisons sont reliées les unes aux autres par des ponts de fortune construits en matériaux provisoires. Par endroit, les maisons sont reliées entre elles, par de la terre surmontée et séchée sur laquelle les populations peuvent se déplacer. Sur cette route étroite de fortune, difficile pour deux personnes de marcher côte à côte ou de se croiser sans se toucher. Ici, les toilettes sont inexistantes ou presque. Seuls des espaces pour prendre son bain ont été aménagés. Les familles se soulagent donc dans ces lieux qui ne disposent pas de fosses septiques.

Photo des habitations

Malgré la misère dans laquelle vivent les populations sur ce site, Bonambome fait toujours courir. De nouvelles personnes viennent s’y installer, tous les jours, ou presque. Des familles en provenance notamment des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, où l’insécurité règne depuis 2016. Des lopins de terre qui ont pourtant été acquis à prix d’or, pour ces hommes et femmes qui ont fui la guerre dans leur Sud-Ouest et Nord-Ouest natal. Anne, un déplacée interne venue de la région du Sud-Ouest dit avoir acheté son lopin d’une superficie de 100 m2 à 400 000Fcfa. C’était en saison sèche. Un achat qu’il lui arrive de regretter depuis l’arrivée des pluies. « Depuis le début de la saison des pluies, les eaux de pluie nous inondent. Quand il pleut, nous ne dormons pas. Et il m’arrive parfois de regretter cet achat », note-t-elle. Une dure réalité pour tous ces déplacés installés ici. Bien que d’autres reconnaissent qu’avoir un lopin de terre à ce prix, même si c’est dans la mangrove, à Douala, n’est pas facile.

L’accès à Bonambome n’est pourtant pas du tout aisé. Il faut jouer des jambes pour accéder à ce quartier situé dans l’arrondissement de Douala 4e. Cette petite localité accueille aujourd’hui près d’un demi-millier de familles de déplacés. A leurs côtés, plus d’une centaine d’autochtones. Pour s’y rendre, le seul moyen de locomotion est la moto. Il faut en moyenne dépenser entre 800 Fcfa et 1000 Fcfa partant de Ndokoti pour y arriver. Une fois qu’on quitte le bitume de la pénétrante Ouest, la route devient boueuse et parsemée de nids de poules. A l’entrée du quartier Bonambome, un pont construit en matériaux provisoires vous accueille. Le pont en piteux état ne peut pas accueillir deux motos à la fois. L’une doit laisser traverser l’autre et attendre son tour avant de franchir le pont construit sur un ruisseau. En ce début du mois de septembre 2022, le ciel est bleu. A en croire les habitants, se rendre dans ce quartier par ces temps de pluies est très difficile compte tenu de l’inondation lorsqu’il pleut.

Photo des habitations

Pas d’eau, ni de lumière

Bonambome dispose pourtant d’un espace de commerce. Mais, manque de tout, ou presque. L’eau potable et l’énergie électrique sont presque inexistantes. Les populations parcourent en moyenne 3 kilomètres, avec des seaux ou des bidons sur la tête pour se procurer le précieux liquide. « L’eau disponible ici ne sert à rien, même pas à faire la lessive, la vaisselle, encore moins pour le bain. Lorsqu’on l’utilise pour la lessive donne des infections lorsqu’on porte ces vêtements. Vous voyez ces boutons sur ma peau, ce sont les vêtements lavés avec cette eau qui me l’ont donné. Imaginez un instant qu’on s’en serve pour se laver ? », déplore Elizabeth, une déplacée interne de Bonambome. L’énergie électrique n’est également pas disponible pour tous. Dans le quartier, des câbles électriques accrochés sur des poteaux et servant à conduire l’énergie électrique dans les rares domiciles qui en possèdent, sont visibles.

Malgré ces manquements, le quartier Bonabome pense à son développement. Et les jeunes du quartier prennent le devant. A bout de bras, ils font usage de leur force physique pour dompter cette mangrove. Ils creusent de la terre à plusieurs kilomètres qu’ils transportent dans des pirogues pour construire des digues afin d’éviter de se faire envahir par l’eau du fleuve Wouri pendant la marée haute. Et cela a un coût. La pirogue de terre coûte entre 25 000 et 30 000 Fcfa. Pour avoir la terre, d’autres creusent le sol, laissant à ces endroits, des trous béants déjà à l’origine de nombreux décès. « Les endroits creusés sont dangereux pour les enfants. Il y a de cela deux mois, mon fils a glissé dans l’un de ces trous. Heureusement, il a été sauvé par ma voisine qui l’y a sorti. Mais, de nombreux enfants y ont déjà trouvé la mort », regrette l’époux de Marguerite. Deux enfants ont été retrouvés morts dans ces trous en juillet dernier, apprend-on.

Photo des habitations

La mort en prime

Le quotidien de ces déplacés internes de la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est aussi marqué par les litiges fonciers auxquels ils font face. « Il y a de cela quelques semaines, un homme est arrivé ici avec des éléments de police pour nous demander de quitter les lieux. Le terrain sur lequel nous avons construit notre maison est le sien. Heureusement, nous avons pu trouver un terrain d’entente, provisoire. Mais, il reviendra», note, une habitante. Une réalité partagée par nombre d’habitants de ce quartier. C’est que, certains déplacés se sont fait flouer au moment de l’achat de ces lopins de terre à certains revendeurs. Les exposant ainsi à la merci des litiges fonciers.

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Toutefois, les déplacés de la crise anglophone installés à Bonambome disent juste vouloir trouver un espace pour vivre avec leur familles. « Nous avons fui la guerre dans le Sud-Ouest et nous sommes venus ici par le biais d’un ami qui s’y est également installé. Nous souhaitons que les responsables de la ville de Douala puissent nous encadrer et nous donner de meilleures conditions de vie, parce que nous vivons dans des conditions inhumaines », note Franklin, un déplacé.

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