Afrique: Une fondation pour soutenir la démocratie sur le continent
La fondation de l’innovation pour la démocratie a été présentée à la presse le 6 octobre 2022 à Johannesburg. Portée par Achille Mbembe elle veut mettre en commun les forces du changement pour repenser les pratiques de la démocratie sur le continent.
Par Annie Payep-Nlepe à Johannesburg
Un an exactement après le nouveau sommet Afrique France de Montpellier en octobre 2021, c’est ainsi la première des 13 recommandations du rapport du philosophe et historien camerounais Achille Mbembe qui voit le jour. Le président français Emmanuel macron s’était en effet engagé sur la mise en œuvre rapide de deux d’entre elles. La création d’une fondation pour la démocratie et la maison des mondes africains.
Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne comme président
Ce sont au total une dizaine de personnes qui se sont mises au travail depuis 6 mois pour donner corps à cette fondation de droits sud-africains qui a officiellement vu le jour en juillet dernier. « Ces personnalités ont réfléchi sur les modalités concrètes et la forme pratique que de devait prendre la fondation et la manière dont elle va fonctionner.» fait savoir la tchadienne Marie-Yemta Moussanang, de l’association Génération Afrotopia. Elle rappelle par ailleurs qu’il était au départ prévu un fonds de soutien à la démocratie mais finalement l’idée de la fondation a été retenue parce que l’Afrique a besoin de nouveaux objets et de nouveaux outils pour innover et expérimenter la mise en œuvre d’idées qui peut permettre d’impulser les changements souhaités.
Si Achille Mbembe fait partie du conseil d’administration de la fondation, cette dernière est présidée par le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne.
Elle aura quatre grands pôles dont 3 en Afrique et un en France. Sur le continent un pôle va englober l’Afrique de l’ouest, le Sahara et la méditerranée. Un autre pôle va gérer tout le grand bassin du Congo tandis que le 3e va s’étendre sur la dorsale orientale de l’Afrique. En ce qui concerne le pôle France, le lieu reste à trouver pour être en mesure de prendre en compte tous les avis dont ceux de la diaspora africaine. La fondation de l’innovation pour la démocratie va dérouler son programme dès mars 2023.
Les nouveaux outils de gouvernance puisés dans notre histoire
D’entrée de jeu Achille Mbembe dresse un état des lieux peu reluisant de la démocratie sur le continent africain. Entre les successions héréditaires qui s’étendent, les régimes éternels en Afrique centrale notamment, les changements de constitution et les coups d’Etat qui ont repris de plus belle en Afrique de l’ouest, il y’a urgence d’agir fait-il savoir. La fondation de l’inondation pour la démocratie se donne donc pour mission de «accompagner les luttes au niveau local dans tous les pays africains » « et de former le maximum de personnes par le biais de parcours pédagogiques ciblés» fait savoir Achille Mbembe au cours d’un point de presse. Il ajoute qu’il faut « libérer l’énergie, la puissance, qui existent partout en Afrique mais qui est bridée par la mauvaise qualité de la gouvernance ». L’organisation « vise à mettre en relation la jeunesse africaine de tous horizons […]. Ses programmes et outils seront dédiés à un large public, des chercheurs aux artistes, aux journalistes, entrepreneurs sociaux et gestionnaires d’ONG qui sont actifs dans le domaine de la démocratie », explique, fait savoir Souleymane Bachir Diagne, professeur à l’université américaine de Columbia.
Le choix de l’Afrique du sud
Interrogé sur le choix d’un pays anglophone notamment l’Afrique du sud pour abriter le siège de l’organisation, Achille Mbembe évoque trois raisons principales. Le besoin d’en faire une organisation panafricaine au-delà du découpage hérité de la colonisation.
Il a ajouté que ce pays parmi les plus stables du continent avec des institutions fortes offre les garanties de pérennisation et d’indépendance dont la fondation a besoin. Et pour finir l’Afrique du sud abrite des meilleures universités du continent qui garantissent une certaine immunité au projet et un sérieux dans la qualité de la recherche et de la formation.
Zeblon Vilakazi, vice-chancelier de l’Université de Witwatersrand qui va abriter le siège de l’organisation a quant à elle déclaré « Nous sommes fiers d’accueillir cette initiative africaine pour une réflexion collective et innovante, soutenant les dynamiques endogènes dans le domaine de la démocratie en Afrique ».
Un financement de 50 millions d’euros
Alors que la réflexion sur comment va se déployer la fondation de l’innovation pour la démocratie sur le terrain reste à penser, l’on sait déjà qu’elle va disposer d’un budget de 50 millions d’euros soit près de 32,5 milliards de FCFA, octroyés par la France sur 5 ans, géré de façon indépendante par un comité d’administration africain et européen.
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Interrogés sur ce financement de la France et sur la capacité de ce pays à ne pas chercher à influencer les actions de la fondation, Achille Mbembe et Marie-Yemta Moussanang font savoir que la fondation a besoin de cet argent pour son déploiement mais qu’elle a pour objectif de diversifier ses sources de financement auprès d’autres partenaires européens, africains et même américains. Achille Mbembe d’ajouter que la France a le droit de soutenir les efforts des africains comme le font d’autres pays notamment l’Allemagne qui débloque 500 millions d’euros pour soutenir la démocratie chaque année ou encore les Etats unis d’Amérique et ses 200 milliards de dollars sur les 20 dernières années.
La présentation de la fondation de l’innovation pour la démocratie s’est faite dans le cadre du forum « Notre futur : Dialogues Afrique Europe » organisé par l’Institut français, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et des partenaires africains. L’étape de Johannesburg a tablé sur « les chemins de la démocratie ». Les prochaines rencontres se tiendront à Yaoundé au Cameroun du 1er au 3 décembre 2022 et à Alger en février 2023. Ce seront au total 9 forums qui seront organisés pendant les trois prochaines années
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