Maurice Somo: “Cet enseignant n’est pas digne d’être un éducateur”
L’enseignant et psychosociologue de l’éducation analyse l’acte posé par l’enseignant et établit les responsabilités.
Propos recueillis par Blaise Djouokep
Que vous inspire cette vidéo montrant dans une salle de classe, un enseignant qui s’acharne sur un élève à l’aide d’une machette et d’un marteau ?
Je suis tout simplement heureux de l’avènement des réseaux sociaux qui mettent à nu un phénomène qui se déroule depuis très longtemps. Les sévices corporels et autres actes de tortures sur les enfants en milieu scolaire se sont avérés à un moment donné comme une contribution à leur éducation. Cela a tellement pris de l’importance au point d’être banalisé.
Beaucoup d’enseignants se vantaient de ce genre de pratiques. A partir du moment où ce n’était pas relayé sur les réseaux sociaux et qu’il était impossible d’en évaluer l gravité, cela s’est installé comme une pratique éducative. Malheureusement ou heureusement, les réseaux sociaux sont venus dévoiler ces malfaisances. Et on peut désormais combattre ce phénomène qui est une insulte à l’éducation. En tant qu’éducateur, cela m’inspire de la honte, et je me demande si ce genre de personne peut être considéré comme un enseignant, comme un éducateur.
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Les parents devraient-ils faire recours aux enseignants lorsqu’ils sont dépassés par leurs enfants ?
Le processus de l’éducation est collectif et appelle à l’interaction d’un ensemble de partenaires de l’éducation dont les premiers sont les parents. L’enfant devient souvent délinquant parce que son milieu familial a favorisé cette délinquance. Mais il y a des possibilités qu’il le devienne également au contact de l’école. Que l’enfant devienne délinquant à la maison ou à l’école, les deux doivent se mettre ensemble pour y faire face.
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Une forme d’éducation classique a démontré qu’il fallait un peu de brutalité pour remmener certains enfants délinquants à la raison. Cette approche n’a plus droit de cité depuis l’événement des droits des enfants, et qui interdit les sévices corporels. Donc sur le plan du droit, il est inaceptable qu’un parent envoie son enfant à l’école en donnant comme consigne à son enseignant de le brutaliser. Et sur le plan éducatif, c’est une démission des parents de leur responsabilité. Si la délinquance de l’enfant vient de la maison, la solution doit être trouvée à la maison et non à l’école. C’est vrai qu’on dit que les enseignants ont reçu mission de redresser les enfants difficiles, mais cela se fait de façon coercitives et jamais avec un recours à la violence. Les parents devraient dialoguer avec les enfants depuis le bas âge. Ce n’est pas parce qu’un enfant a eu ces sévices qu’il abandonnera la délinquance. Au contraire, il y a une forme de durcissement de l’enfant et ca devient une forme d’addiction à la délinquance.
Comment doit se comporter l’enseignant lorsque le parent lui demander de violenter son enfant ?
L’enseignant a une formation qui lui permet de procéder à une rectification de l’attitude de l’enfant.
La première chose à faire c’est de comprendre l’origine de cette délinquance, parce qu’on ne devient pas délinquant du jour au lendemain. Il faut avoir une maîtrise des éléments contextuels, conjoncturels, psychologiques qui ont contribué à cette délinquance de l’enfant. Cela commence au niveau de la famille. Et si sur le plan pédagogique l’enseignant a les outils pour le faire, sociologiquement,il doit s’attacher les services de la famille, du conseiller d’orientation scolaire… La correction dont il est question ne devrait pas s’agir des sévices corporels. Les parents ont bien fait, mais l’enseignant n’est pas un véritable enseignant.
L’usage de ces outils (machette et marteau) pour punir un élève ne peut-il pas avoir une influence psychologique sur les autres élèves qui assistent à cette scène ?
Les sévices corporels tels que l’utilisation du fouet ou toute autre forme de violence sur l’élève n’a jamais à long terme, été productif. La peur de la chicotte ne peut pas rendre un enfant intelligent. Donc l’utilisation de la violence peut plutôt créer une forme de traumatisme chez l’enfant. Et l’enfant va, soit se radicaliser et ne voudra plus aller à l’école, soit créer une anorexie scolaire, c’est à dire, un rejet systématique et total de l’école. Les méthodes observées dans ces vidéos donnent une image négative de l’école aux autres élèves, et leur fait comprendre que demain cela peut être leur tour..
La délinquance arrive chez la plupart des enfants par un phénomène d’entraînement. Cet entraînement est progressif et parfois imperceptible par eux-mêmes de telle sorte qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils ont plongé. Surtout qu’on ne leur a pas expliqué ce qu’est un enfant délinquant. Et tant qu’on ne l’a pas fait, cette Terreur qu’on crée dans la mentalité de l’enfant n’aura pour seul aboutissent que de détester l’école où se radicaliser. Emmener une machette et un marteau dans une salle de classe et s’en servir pour frapper les élèves est totalement inhumain, anti pédagogique, inacceptable dans une société moderne.
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