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Lutte anti coloniale : les derniers jours du nationaliste Fossi Jacob racontés par le Pr Tetanye

L’ouvrage « Fossi Jacob, le gamin et son héros aux chutes de la Metché », décrit comment un enfant de 9 ans a vu ce nationaliste trainer avec lui un colon français au moment où on l’a jeté dans les chutes de la Metche. L’auteur qui rend hommage à ce courageux camerounais plaide pour sa réhabilitation au titre de héros national.

Par Armel Mouanjo

Une partie de l’histoire de la période de lutte pour l’indépendance du Cameroun en pays Bamiléké vient d’être racontée par l’un de ses témoins oculaire. C’était à la faveur de la dédicace du livre « Fossi Jacob, le gamin et son héros aux chutes de la Metché », édité par la maison d’édition Eclosion ce samedi 31 mai 2025 à Douala. L’ouvrage raconte notamment l’histoire de Fossi Jacop, résistant camerounais qui, conduit dans la nuit du 09 mai 1957 pour être jeté du haut des chutes de la Metché, a entrainé avec lui dans sa chute, l’un des colons gendarme français présents sur les lieux pour se rassurer de la mort de Fossi Jacob et de ses frères de lutte arrêtés quelques jours plus tôt.

Lutte anti coloniale : les derniers jours du nationaliste Fossi Jacob racontés par le Pr Tetanye

L’histoire est racontée par le Pr Tetanye Ekoe, alors âgé de 9 ans qui a assisté à cette atrocité à l’insu de tous, devenu des années plus tard, professeur de médecine.

Bien élaboré, bien écrit, de lecture facile et agréable, le livre porte la préface du Pr Daniel Abwa, politologue, de regrettée mémoire. Pour lui, cet ouvrage est la matérialisation d’un devoir de mémoire de l’auteur prenant racine dans la petite enfance à l’époque coloniale. L’ouvrage compte 3 parties. La première va jusqu’à la page 44. En cette période de lutte pour l’indépendance du Cameroun en pays Bamiléké, le Cameroun est traversé en 1955 par des troubles socio-politiques liés aux activités des nationalistes de l’Upc qui réclament la réunification et l’indépendance du pays. Les autorités française réagissent en interdisant l’Upc dès 1955 et lancent une répression violente contre les nationalistes.

Fils d’un papa gendarme

Le livre retrace aussi la carrière du père de l’auteur, gendarme. En service au camp de gendarmerie de Mboppi à Douala, un incident avec l’adjudant français Brillant, lui vaudra une affectation disciplinaire à Dschang qui est une zone de maquis. Il y a dans ce camp un cadre de vie pour les blancs et un autre pour les noirs autochtones et allogènes ; une répartition communautaire des ethnies avec des quartiers Haoussa, Bamiléké, Ewondo… ; et un ordre social hiérarchique distinguant des blancs, les métisses, les noirs « évolués » en référence à ces noirs qui avaient un mode de vêtement européen avec casquettes.

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Les parents du Pr Tetanye vont, malgré cet environnement hostile, inculquer des valeurs essentielles de la vie à leurs deux fils et les scolariser. Les camarades de classe de l’auteur lui rapportaient régulièrement les atrocités vécues dans les villages. Notamment des rafles avec expositions sur la place publique, des têtes des nationalistes tués pendant ces opérations.

Lutte anti coloniale : les derniers jours du nationaliste Fossi Jacob racontés par le Pr Tetanye

La capture de Fossi Jacob

Déterminée à mater le mouvement nationaliste, l’armée française va, dans la 2ème partie du livre (pp 45-77), capturer à Bafoussam, l’un des leaders de l’Upc du nom de Fossi Jacob alias « Nicodème », son nom de combat. Il sera pris avec certains de ses collègues et transférés à la prison de Dschang et c’est pendant ce séjour dans les geôles que Fossi Jacop alias Nicodème fait la connaissance de Libongo, un gamin de 9 ans, fils du gendarme Komé. Le gamin se prend d’admiration pour les prisonniers et pour Fossi Jacob en particulier. Il se rend utile en faisant leurs petites courses, et, en échange, le prisonnier Nicodème (il avait une formation d’administration étendue et une formation solide) prenait plaisir à renforcer les capacités de l’enfant de 9 ans en lui faisant des cours de français et de calcul.

L’auteur explique qu’un après-midi du 09 mai 1957, il est informé par son grand ami Nicodème que les prisonniers, dont lui-même, seront emmenés le soir pour être jetés dans les chutes de la Metche. Le gamin intelligent, courageux, va réussir, à l’insu de ses parents, de Fossi Jacob et des militaires français, à se faufiler dans le camion qui était conduit par son géniteur pour aller au lieu de la funeste mission et jeter les « maquisards » dans la chute. Il décrit dans le livre les détails du voyage, et assiste, depuis sa cachette, au dernier moment de Fossi Jacob, qui a courageusement embarqué avec lui son bourreau, s’agrippant à lui, lesquels ont été projetés tous les deux dans les chutes de la Metche. L’acte est héroïque. La mission de massacre des élites autochtones est interrompue.

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L’auteur raconte dans la 3ème partie, le retour au camp. Il cache cette information jusqu’à la mort de son géniteur qui n’a jamais su ce que son fils a assisté à cette horrible nuit du 09 mai 1957. Mais son père n’en est pas moins bouleversé. Après cette mission tragique, le gendarme qu’il est fait asseoir ses fils et les fortifie sur les valeurs de dignité, de patriotisme, d’honneur, de la parole donnée. La postface conduit à quelques réflexions de ce témoin oculaire devenu l’imminent pédiatre qu’on connaît. Aujourd’hui, l’auteur revendique légitimement l’authenticité et la sincérité de ce souvenir du 09 mai 1957, conteste la version fausse des chroniques militaires françaises de l’époque qui font état de la noyade du gendarme blanc en 1957.

Sur les raison de ce livre, plus d’un demi-siècle plus tard, le Pr Tetanye explique. « Je détenais avec moi un secret militaire. Si mon père avait su ce que je savais, il m’aurait administré une bastonnade à nulle autre pareille comme savent le faire les gendarmes. J’ai congelé cette histoire en moi toute ma vie. Mais, J’étais habité par cette obsession de décongeler un drame que j’ai enterré toute ma vie. Je me suis fait le devoir de le révéler au monde », raconte-t-il et d’indiquer que « ce livre est une suite d’anecdotes qui dit à la jeunesse d’aujourd’hui ce que c’est que la condition de colonisé. Il y a 70 ans, vous la fermiez. Même quand on venait chercher votre épouse, vous devriez être consentant », note-t-il.

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