Justice pour Orphée : le papa veut des réponses
Trois mois après la mort suspecte de sa fillette de 5 ans, Émile Gaston Bissossolo revient sur les circonstances dans lesquelles elle a été retrouvée et explique comment cet acte a des répercussions sur sa famille.
C’est un cri de coeur. Celui d’un papa en quête de justice pour sa fille morte dans des conditions odieuses que Télé’Asu a rencontré sur le lieu du drame. Il y a trois mois, au quartier Bonapriso dans la ville de Douala, la petite Orphée, 5 ans, était arrachée à la vie dans des circonstances troubles. La fillette a été retrouvée sans vie dans de l’eau d’après les témoignages des personnes qui l’ont retrouvée. Une version qui va être remise en cause après un constat des populations qui sont accourus sur le lieu du drame. Le cœur brisé, Émile Gaston Bissossolo, le père de la petite, raconte les derniers instants passés avec sa fille. « Ce jour-là, ma fille est venue me voir dans la chambre pour se plaindre de son cousin ; c’est la dernière fois que je l’ai revu », se souvient-il.
Il évoque une fillette pleine de vie, qui aimait jouer et partager des moments complices avec sa famille. “Ma fille était une enfant déjà très éveillée et active, qui aimait passer du temps avec sa mère et son petit frère, en s’amusant à maquiller sa mère, à faire des tresses et à participer à la cuisine », raconte le père. Il ne cache pas l’angoisse dans laquelle vit sa femme depuis la perte de leur enfant. « Je trouve qu’elle est un peu sévère envers elle-même ; elle se dit que c’était son devoir de veiller sur les enfants ; en effet, diplômée d’une école de commerce avec des potentiels, elle a abandonné tout ça pour s’occuper d’une famille, mais aujourd’hui elle a le sentiment d’avoir échoué, donc c’est très difficile », explique-t-il.
Le jour fatidique
Selon le père de famille, c’était un jeudi calme comme tous les autres. “Ce jour-là, la journée s’est déroulée comme d’habitude , ma grande sœur est venue vers 10h, laisser ses enfants chez moi avant d’aller à un rendez-vous médical avec l’un d’eux ; ma femme a profité de l’occasion pour souffler un peu et a ouvert la porte de la maison ; pendant ce temps, je travaillais dans ma chambre”, narre le chef de famille avant de rajouter : “Vers midi j’ai reçu un coup de fil et je suis sorti ; en sortant je ne l’ai pas vue car d’habitude quand elle entend le ronflement de ma voiture elle accoure avec son petit frère mais j’ai seulement vu son petit frère et je me suis dit qu’elle doit etre concentré à regarder la télévision avec ses cousins”. Quelques minutes plus tard, il reçoit un appel de sa femme qui l’informe qu’elle ne retrouve pas la fillette malgré le fait qu’elle a cherché dans tout le quartier. « J’ai demandé à ma femme qu’elle cherche l’enfant dans le quartier comment alors qu’elle ne peut pas sortir de la concession ; je lui ai donc dit de chercher dans la concession ».
Une nouvelle qui l’amène à reprendre directement le chemin de la maison. Seulement à son arrivée, il trouve un groupe de personnes devant le portail. “J’étais déjà en train de garer quand ma femme me rappelle pour me dire qu’on a retrouvé l’enfant et je voyais beaucoup de gens devant l’entrée du chantier en question et quand j’arrive je trouve l’enfant allongé au sol avec des gens qui essaient de lui faire des massages ; moi aussi j’ai commencé à lui faire du bouche-à-bouche ; quand je me suis retourné j’ai vu ne moto qui qui est garée qui observe la scène donc j’ai porté l’enfant tout de suite et le monsieur en questions nous a conduit à l’hopital”, explique-t-il. « Une fois à l’hôpital, les médecins m’ont dirigé vers les urgences et ils ont directement commencé à chercher les signes vitaux de l’enfant ; après quelques manipulations médicales, ils m’ont annoncé que malheureusement, il n’y avait plus rien à faire, l’enfant était déjà décidé », rajoute-il.
Les révélations de l’autopsie
Après avoir ramené le corps de la petite à la maison afin de faire les valises pour le village, c’est à ce moment qu’on table sur une tentative de masquer les causes réelles du décès. En effet, il y a d’autres personnes qui attendaient déjà. « Ceux qui avait l’esprit plus posé que nous, ont commencé à faire le tour de la concession et ils ne trouvaient pratiquement pas un endroit par lequel l’enfant aurait pu passer pour se noyer ; on a aussi remarqué que le ventre de l’enfant n’est pas ballonné, or si elle s’était réellement noyée, elle aurait bu de l’eau et son ventre devait etre ballonné”, relate Émile Gaston Bissossolo. Ces dires vont le pousser à alerter les éléments du 113 qui est la patrouille la plus proche du quartier.
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Une fois les forces de sécurité arrivées, les enquêtes ont débuté. Le père de famille note que la procédure pour avoir l’autorisation de faire une autopsie n’a pas été facile. Il parle surtout d’une légèreté au niveau du traitement de l’affaire par les forces de l’Ordre. Il mentionne aussi qu’il a fallu l’intervention d’un de ses amis pour que le médecin légiste qui devait réaliser l’autopsie ne se déplace pas, car c’était un weekend et ce dernier aurait pu avoir un programme de voyage. C’est le lundi qui suivait qu’il a reçu les résultats et, à cause de la désinvolture dont faisaient preuve les agents de force de l’ordre, il a dû aller seul chercher le document. L’autopsie réalisée sur le corps de la fillette révèle qu’elle a été violée et sodomisée. « D’après le rapport du médecin légiste, l’enfant est décédée de violence physique ; elle a été étouffée, car il a retrouvé un manque d’oxydation du sang ; donc, en conclusion, l’enfant a été violée et sodomisée ; ce n’était pas une noyade », affirme le père de l’enfant.
Une enquête bâclée?
Trois mois après le meurtre brutal de leur fille de 5 ans, le couple est toujours dans l’attente de justice. Des auditions avec une vingtaine de personnes qui auraient pu avoir un contact avec l’enfant ont été menées. Mais ces témoignages n’ont pas permis à l’enquête d’avancer de manière significative. « On nous dit que les enquêteurs travaillent, qu’ils traitent des demandes de permis, mais à ce jour, nous n’avons toujours pas de réponses », ajoute-t-il. «Quand nous sommes revenus du village, ils nous ont expliqué qu’il y a eu le phénomène des microbes qui a empiété sur les enquêtes ; mais je pose la question de savoir pourquoi la notre, car il y a eu d’autres affaires qui ont connu des suites, mais pourquoi la notre retarde autant ? “, s’interroge le chef de famille.
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Le couple, déjà dévasté par la perte de leur enfant, se retrouve dans un état de souffrance permanente, rongé par l’incertitude. Bien qu’ils aient enterré leur fille et organisé ses obsèques, le véritable deuil ne commence pas encore pour eux. « Nous avons enterré notre enfant, mais tant que nous ne saurons pas pourquoi elle est morte, pourquoi une telle tragédie a eu lieu, nous ne pourrons jamais tourner la page », confie le père. L’impact de la perte de leur fille est d’autant plus fort pour la mère, qui souffre de cauchemars constants et d’une angoisse nocturne qui la hante chaque nuit. « Aujourd’hui, mon épouse ne dort plus ; elle fait des cauchemars toutes les nuits, hantée par la peur que les mêmes personnes qui ont détruit notre vie s’attaquent à un autre de nos enfants, malgré notre déménagement ; elle est désormais plus sensible à tout ce qui concerne les disparitions d’enfants et les violences à leur encontre », explique t-il.
Dans l’espoir qu’on retrouve les coupables
Le couple lance un appel aux autorités pour qu’elles accélèrent l’enquête et leur fournissent des réponses. “Nous voulons savoir pourquoi elle est morte, comment cela a pu se produire, et que justice soit faite ; nous avons droit à des réponses ; pas seulement pour nous, mais pour que cela ne se reproduise jamais », conclut le père. Le père de famille appelle à l’action des autorités et des responsables de la promotion de la femme et de la famille pour que justice soit faite. « Aujourd’hui, nous sommes une famille brisée ; notre enfant était le symbole de l’amour entre sa mère et moi, la concrétisation de notre union ; sa naissance était l’affirmation de nos sentiments, de notre bonheur ; mais ce symbole d’amour a été brutalement arraché, et notre relation est désormais dévastée », confie Émile Gaston Bissossolo.
Son souhait est que l’enquête qui a été ouverte soit résolue et que justice soit faite afin de pouvoir enfin reconstruire leur famille et rendre hommage à leur fille. « Ce crime s’est produit dans un environnement censé être sécurisé, et cela montre que les auteurs étaient prêts à aller jusqu’au bout, sans crainte, en présence de ses deux parents ; leur détermination est évidente, et il est impératif que ces personnes soient neutralisées afin qu’elles ne puissent plus jamais nuire à d’autres enfants », déclare le père de la fillette.
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