Je Fais Un Don

Type to search

A La Une Société Télé’Asu News

Hervé Rostand PIBOU : “le gouvernement doit contraindre les promoteurs à sécuriser leurs immeubles”

L’architecte plaide pour le recensement des permis de bâtir et le contrôle des immeubles, surtout les plus anciens. Il présente également les circonstances dans lesquelles un immeuble peut s’effondrer.

A quoi pensez-vous lorsqu’on vous dit qu’un bâtiment s’est effondré ?

Lorsqu’on me dit qu’un bâtiment s’est effondré, trois choses me passent par l’esprit: erreur de calculs, très mauvaise étude, très mauvaise exécution. Pour ce qui est de l’erreur de calculs, s’il y a eu des professionnels qui ont travaillé dessus, ils ont certainement fait une erreur dans le dimensionnement de la structure du bâtiment. C’est une erreur de calculs grave et tout bon professionnel devrait pouvoir éviter cela. La deuxième chose, c’est la mauvaise exécution c’est-à-dire pas d’étude. C’est la situation la plus fréquente. On a beaucoup de personnes qui exécutent sans jamais faire appel à des professionnels. Nous voyons des bâtiments pousser et des gens ne nous consultent pas. Et quand bien même ils le font, ils trouvent que nos honoraires sont élevés alors qu’ils font des investissements énormes. Troisièmement, quand bien même ils consultent des professionnels et qu’ils leur donnent des prescriptions, ils ne les appliquent pas lors de l’exécution. Et c’est là la mauvaise exécution, la mauvaise mise en valeur des matériaux.

 En quoi est-ce que le dimensionnement peut faciliter l’effondrement d’un immeuble?

Quand on veut faire une structure, on fait le sondage du sol pour connaître sa portance, on tient compte de la morphologie du sol pour savoir comment on implante le bâtiment, comment il va supporter les intempéries futures. On tient compte de l’hydrométrie. Tout ceci est pris en compte pour calculer et évaluer comment la structure doit être faite, sans compter qu’il y a aussi les contraintes de l’utilisation future. Si un bâtiment est habité par 10 ménages alors qu’il avait été construit pour 5 ménages, ce n’est pas bien.

Concernant ce cas précis. Qu’est-ce qui aurait pu expliquer l’effondrement de cet immeuble R+4 ?

Pour ce qui s’est passé avec ce bâtiment, les erreurs de calculs n’arrivent normalement pas à ce stade. On peut avoir une fissuration qui apparaît ou un tassement du bâtiment qu’on corrige. Je pense plus à une non-consultation d’un professionnel, pour un bâtiment qui s’effondre totalement. Quand on n’a pas fait d’études, on construit n’importe comment. Si un bâtiment est construit sur une pente telle que c’était le cas de cet immeuble, et que les fondations ne sont pas posées sur la roche qui est en dessous du sol pour être bien ancrées et bien accrochées, le bâtiment tombe.

On veut investir 500 millions Fcfa, mais on ne veut pas s’attacher les services d’un architecte pour sécuriser les 500 millions Fcfa.

Lorsqu’on veut construire, peu importe où, on prend les dispositions qu’il faut. Lorsqu’on veut construire sur un site, peu importe sa forme ou la constitution du sol, on évalue et on définit les dispositions techniques à prendre pour que le bâtiment tienne. Si un bâtiment s’effondre, c’est la faute au promoteur qui ne veut pas travailler avec des professionnels. Et même, le professionnel fait un boulot sur la base des informations qu’on lui donne. Plusieurs fois, des promoteurs nous disent vouloir faire par exemple 4 étages pour faire des logements, et après il va faire 5 étages pour stocker de la marchandise. C’est clair que ce ne sont plus les mêmes contraintes, et le bâtiment ne pourra pas tenir sur la durée.

LIRE AUSSI: Douala: au moins 30 morts dans l’effondrement d’un immeuble

On accuse généralement, les matériaux de construction. Ce qui est faux. Au Cameroun, les matériaux de construction sont de bonne qualité. C’est ceux qui exécutent le travail qui le font mal. Très peu de personnes prennent un cabinet ou un architecte pour faire un suivi. On nous consulte souvent pour des bâtiments. Le promoteur nous dit que cela s’est affaissé et qu’on vienne voir. Et quand je fais une étude dessus, je leur demande de démolir le bâtiment et de recommencer. On veut investir 500 millions Fcfa, mais on ne veut pas s’attacher les services d’un architecte pour sécuriser les 500 millions Fcfa.

 Quelles solutions proposez vous pour éviter la récurrence de ces catastrophes ?

Il faut avoir de bonnes études lors de la construction. Pour les bâtiments qui sont déjà construits, je souhaiterais que les autorités de la ville lancent une campagne de recensement des permis de bâtir, exigent que des expertises soient faites sur des bâtiments à risque. Si un bâtiment a des fissures qui apparaissent, on peut sommer le propriétaire de contacter un expert qui vérifie si la structure tient encore. Cela nous éviterait les effondrements. L’expert viendra faire un sondage de structure, vérifiera et pourra, à la fin, dire si oui ou non le bâtiment va tenir. Et on va demander aux promoteurs de prendre les mesures pour corriger les manquements, faute de quoi la Commune se verra dans l’obligation de démolir leur immeuble. L’administration doit pousser le promoteur à sécuriser son bâtiment. Beaucoup de ces promoteurs ne savent même pas que leurs bâtiments sont malades.

Tags: