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Comprendre la crise de confiance entre le gouvernement, les opérateurs économiques et les syndicats du secteur brassicole.

L’analyste revient Louis-Marie Kakdeu revient sur la crise de confiance qui menace un secteur qui pèse environ 500 milliards et propose des voies de sortie.

Par Louis-Marie Kakdeu

Louis Marie Kakdeu

Les faits

La bière, l’opium du peuple, divise désormais au Cameroun. Depuis le 1er octobre 2023, un mouvement de grève sans précédent plane sur le secteur de la distribution de la bière en raison de la décision de la CAPA (Cameroon Alcohol Producers Association) de faire un abattement de 50% sur les ristournes/ épargnes des distributeurs. Les syndicats nationaux dont SYNEBEDOC, SYNDEBARCAM et ANEBCA crient au scandale et font valoir que la décision de la CAPA ne saurait être unilatérale dans la mesure où les prix de la bière sont homologués au Cameroun. Ce faisant, la ristourne que la CAPA veut suspendre fait partie de la structure du prix de la bière et ne saurait être réduite sans engendrer la diminution du prix de la bière. La mesure de justice réclamée par les syndicats est de reverser intégralement les ristournes payées par les consommateurs de bière et collectées par les sociétés brassicoles. Pour l’instant, le gouvernement appelle au calme et à la suspension de la décision de la CAPA, mais ce n’est que le début d’une longue crise. Comment la comprendre ?

Les motifs économiques

Les sociétés brassicoles demandent depuis 2022 de faire une nouvelle augmentation des prix de la bière en vue de compenser l’augmentation des prix du gaz naturel dans la loi des finances 2023, des matières premières sur le marché international et du fret maritime. Pendant les 10 dernières années, ce prix a déjà connu 4 augmentations, ce qui ne pèse que sur le consommateur. De son côté, le syndicat fait valoir que ces 4 augmentations ont supposé la baisse de 3,2% de leur marge sur un casier de bières. En effet, la marge est toujours de 600 FCFA depuis 2012 lorsque le prix du casier était de 5400 FCFA. Pour faire simple : le barman investissait 10800 FCFA en 2012 pour gagner 1200 FCFA sur deux casiers. En 2022, le casier coûtait 7200 FCFA et il lui fallait investir 14400 FCFA pour gagner les mêmes 1200 FCFA.

Où est le fond du problème ?

Le fond du problème est que le Cameroun dépend de l’extérieur dans la production de la bière. La promotion de la production locale des intrants est défaillante. Or, lorsqu’on dépend de l’extérieur, l’on est affecté par toutes les fluctuations de prix observées sur le marché international. Depuis 2019, le marché international a été influencé par la crise du COVID-19 et la crise russo-ukrainienne. Cela a influencé considérablement le marché de la céréale. Il n’y a pas d’autres solutions durables que de produire localement la matière première et de garantir la stabilité du marché. En 2018, le gouvernement camerounais avait supprimé sans motif économique valable la mesure incitative qui accordait 20% d’abattement sur les droits d’assises des sociétés brassicoles qui achetaient localement leur matière première. On se rappelle que la société Guinness avait directement commandé 17 000 tonnes de sorgho à CROPSEC (une union des coopératives nationales) dont la capacité de production n’était que de 4000 tonnes à l’époque. Cela garantissait un marché aux investisseurs locaux. Mais, cela n’a pas duré. Des mesures inopportunes du gouvernement étaient venues saccager ce marché, décourageant ainsi les acteurs abandonnés à leurs endettements. En 2023, ces derniers n’ont plus accordés leur confiance au gouvernement et la mesure contenue dans l’article 124 de la loi des finances accordant un abattement de 30% aux sociétés qui achèteraient 40% de leurs matières premières localement n’a plus eu d’effets. Car, dupés et abandonnés une fois, les investisseurs croient qu’ils seront encore dupés et abandonnés par le gouvernement. L’instabilité du cadre légal au Cameroun plombe le moral et la sérénité de l’investisseur.

LIRE AUSSI: Hausse du prix de la bière : le Syndebarcam sur les traces de la CAPA

L’unique solution est donc de restaurer la confiance avec les différents acteurs en vue de relancer l’économie. Le problème est que ce gouvernement n’est plus qualifié. Un parti comme le SDF travaille déjà avec les partenaires sociaux pour stabiliser le marché dans une logique gagnante-gagnante. Oui pour la production et double oui pour la redistribution des fruits de la production. Pour cela, il faut impulser une vision inclusive et réformer aujourd’hui pour ne plus avoir à devoir réformer chaque année comme c’est actuellement le cas au Cameroun. Vous verrez que la loi des finances 2024 viendra remettre en cause les acquis du passé, exposant les acteurs à l’insécurité économique. C’est parce que le gouvernement navigue à vue, sans vision, au gré de la conjoncture économique et des groupes de pressions.

La responsabilité de ces acteurs est de comprendre où se trouvent désormais leurs intérêts. On ne peut pas continuer à chanter «merci au Chef de l’Etat» le matin pour venir pleurer le soir. Notre responsabilité collective est de savoir choisir ce que nous voulons et d’assumer nos choix. Au SDF, nous disons : «Power to the people. Who are the people ? You are the people. And who has the power ? You have the people !»

A chacun d’entre-nous de jouer son rôle.

Louis-Marie Kakdeu, MPA, PhD & HDR
Membre du Shadow Cabinet du SDF
Economie, Finances et Commerce
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