Lapiro de Mbanga: le levain de la démocratie et des libertés au Cameroun.
Regrets éternels NDINGA MAN. Ode à un érudit.
Par Guy Hervé Fongang*
Décédé exactement le 16 Mars 2014, 9ans plus tard, Lapiro de Mbanga reste trans-historique. Avec un engagement qui impose admiration et respect. Nous connaissons tous de grands journalistes ou écrivains qui, par l’importance de leurs écrits et la force de leurs convictions, ont contribué à changer la société : Émile Zola, Albert Londres, Victor Hugo, George Orwell et beaucoup d’autres de société par son action et ses discours. Un artiste engagé peut aussi bien dénoncer une opinion ou un acte politique que prendre la défense de personnalités lors d’un procès tel Zola dans l’affaire Dreyfus ou Voltaire avec le chevalier de La Barre. Lapiro de Mbanga était tout cela à la fois. Un Che Guevara des temps modernes. Arraché brutalement à la vie le 16 Mars 2014 à 57 ans, à Buffalo aux USA du fait de la répression d’un régime atypique. Sa mort restera le crime de trop contre la démocratie et l’expression des libertés au Cameroun.
Les téléspectateurs du monde entier ont découvert ce message sur le tee- shirt qu’arborait LAPIRO de MBANGA vendredi 15 Avril 2011 après sa sortie de prison. Un message prémonitoire traduisant en réalité le souhait de voir le Cameroun changer au-delà de Mbanga. L’actualité politique de ses 3 dernières années laisse effectivement penser que rien ne sera plus jamais comme avant. MBANGA a finit au fil du temps par rester indissociable au nom de Lambo Pierre Roger (LAPIRO). Ville située dans la province du littoral, A une soixantaine de km de Douala, et à 121 km de Yaoundé, à moins d’une heure de KUMBA. La ville est dominée par le Français et le Pidgin. Censé être libéré le samedi 16 avril, c’est plutôt le vendredi 15 Avril que LAPIRO a été libéré, après avoir passé 1096 jours pour son implication présumée dans les émeutes de la faim de février 2008. Le pouvoir a ainsi privé la ville, et le pays tout entier d’accueillir l’artiste avec tambours et trompettes.
Un engagement singulier, un talent pluriel
En sortant « Kop Niè », Ferme là en 1987, « Ndinga Man » sonnait déjà le glas d’une attitude apathique et inerte caractérisée par une injustice sociale généralisée. Avec son humour corrosif, le « Don Grand » s’insurgeait contre l’injustice et l’inégale répartition des richesses. L’usine de la célèbre eau minérale TANGUI se trouve à MBANGA, une bonne partie de la banane exportée est produite par des populations depuis plusieurs générations dont le salaire atteint à peine 15000 frs /mois. Moins du SMIG. Que dire de la mythique gare routière MBANGA-KUMBA voie par excellence pour rallier le Sud Ouest venant des 04 coins du pays. Mais la ville est toujours aussi inerte, et statique. La sortie de « MIMBA WE » Pense à nous, sera le coup de pied dans la termitière. Titre qui a propulsé l’artiste au firmament de la musique camerounaise et Africaine. Les richesses ne profitant qu’a une minorité, le peuple, s’exaspère : Le pays s’embrase. « L’accumulation de frustrations disait Christiane TAUBIRA est le carburant de la révolte ». Les villes mortes des années 1990 sont alors inéluctables. Le magnétisme de Ndinga Man réussit à stopper l’hémorragie. Il monte au créneau calme les populations, et le pays évite une guerre civile.
La récidive interviendra une vingtaine d’année plus tard quand le président de la république tentera de faire sauter le verrou de la limitation des mandats à la magistrature suprême. Et Pan : LAPIRO met sur le marché Constitution constipée » Album avec lequel il ouvrira la boite de pandore, et qui lui valu 03 ans d’emprisonnement.
Le changement réclamé à cor et à cris par les populations de Mbanga et du Cameroun passe par : la Répartition équitable des richesses, la création d’infrastructures routières, l’amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie des populations en commençant par humaniser le travail des planteurs, l’avènement du département tant promis qui semble remis aux calendes grecques…
Introspection et Immersion
Accueilli à l’entrée de la ville, juste après le paysage par des fruits d’une qualité exceptionnelle, c’est désormais le Lycée technique ancien CETIC qui vous interpelle. A un jet de pierre de là, l’Hôpital Central. Vielle bâtisse qui ferait pâlir un homme en bonne santé. L’absence de cadres d’épanouissement a poussé les jeunes à investir les artères de la Police qu’ils ont transformée en terrain de basket. Sur le mur qui jonche le stade municipal. Les jeunes tiennent bon comme Tamne Pius, se rappellent nostalgiquement avec Njoume Maurice d’une Certaine « Maimouna », caressent une « immigration à Paris », en pensant à la « Kousine » de Big Benji MATEKE, dans l’espoir que le sorcier bantou, ou Fifion Ribana produira un miracle pour sortir de cette fatalité. Jouson Pop, Tecla Star, Matango Club, Cinéma Abia et Nkonissi, le 5éme avenue, Bamenda club, la très bruyante rue de la joie de la mobil… ont disparu pour céder la place aux vidéos club, au Boulevard des stars.
* Guy Hervé Fongang est Journaliste, chroniqueur dans plusieurs organes de Presse, après plusieurs années passés en entreprise comme responsable de communication. Il est Doctorant en sciences de l’information et de la communication. Enseignant de communication et Consultant. Membre et conseiller du président de l’association camerounaise pour une publicité responsable.
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