11 février : Deuil, séparation et renaissance, l’histoire peu connue de la fête de la jeunesse

Chaque année, le 11 février, les rues du Cameroun s’animent. Les jeunes défilent, les discours se succèdent, les célébrations battent leur plein. Pourtant, derrière cette journée festive, se cache une histoire plus sombre, marquée par une séparation douloureuse et une décision politique audacieuse. Pourquoi célèbre-t-on la fête de la jeunesse à cette date précise ? Retour sur un moment clé de l’histoire camerounaise.
Par Blaise Etongtek
𝟭𝟵𝟲𝟭 : 𝗨𝗻𝗲 𝗱𝗮𝘁𝗲 𝗳𝗮𝘁𝗶𝗱𝗶𝗾𝘂𝗲
Nous sommes en 1961, à l’aube d’une nouvelle ère pour le Cameroun. Ancienne colonie allemande, le pays a été divisé après la Première Guerre mondiale entre la France et le Royaume-Uni. La partie sous administration britannique, appelée British Cameroon, est elle-même scindée en deux régions : le Northern Cameroon et le Southern Cameroon.
Mais une question cruciale se pose : ces territoires doivent-ils rejoindre le Cameroun francophone ou le Nigeria anglophone ? Pour trancher cette question, l’ONU organise un référendum les 11 et 12 février 1961.
Le choix est simple :
✅ Se rattacher au Cameroun et devenir indépendant
❌ Se rattacher au Nigeria
Le verdict tombe comme un coup de massue :
Northern Cameroon choisit le Nigeria avec 146 296 voix contre 97 659 pour le Cameroun.
Southern Cameroon opte pour le Cameroun avec 235 571 voix contre 97 741 pour le Nigeria.
Le Northern Cameroon est perdu, absorbé par le Nigeria. C’est un véritable choc pour le Cameroun, qui espérait retrouver son unité territoriale.
𝗨𝗻 𝗷𝗼𝘂𝗿 𝗱𝗲 𝗱𝗲𝘂𝗶𝗹 𝘁𝗿𝗮𝗻𝘀𝗳𝗼𝗿𝗺𝗲́ 𝗲𝗻 𝗷𝗼𝘂𝗿 𝗱’𝗲𝘀𝗽𝗼𝗶𝗿
Le 11 février devient alors une journée de deuil national. Mais comment tourner la page d’un tel traumatisme ? Comment éviter que cette date ne reste gravée dans la mémoire collective comme un échec cuisant ?
Le président Ahmadou Ahidjo, fin stratège, trouve une solution inattendue : associer cette journée à la jeunesse.
Pourquoi la jeunesse ? Parce qu’au Southern Cameroon, qui a choisi de rester camerounais, une fête de la jeunesse existait déjà. Ahidjo décide donc de fusionner le souvenir douloureux du référendum avec l’enthousiasme et l’énergie des jeunes, pour donner une nouvelle signification au 11 février.
Dès lors, ce qui était un jour sombre devient un symbole d’espoir, de renaissance et d’unité nationale.
𝗨𝗻𝗲 𝗰𝗲́𝗹𝗲́𝗯𝗿𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲𝘃𝗲𝗻𝘂𝗲 𝘁𝗿𝗮𝗱𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻
Depuis cette décision, chaque 11 février, le Cameroun entier célèbre sa jeunesse à travers des défilés, des compétitions sportives et des événements culturels. Le message est clair : les jeunes sont l’avenir du pays, et ils doivent porter haut les couleurs du Cameroun, malgré les blessures du passé.
Mais derrière cette effervescence, l’histoire du référendum de 1961 reste encore méconnue de nombreux Camerounais. Peu savent que cette journée de fête a d’abord été une journée de deuil et de perte.
𝗨𝗻𝗲 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲́𝗺𝗼𝗿𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗮𝗺𝗯𝗶𝘃𝗮𝗹𝗲𝗻𝘁𝗲

Carte du Cameroun avant et après 1961
Aujourd’hui, le 11 février est célébré avec fierté, mais certains se demandent si cette date est vraiment la plus appropriée pour honorer la jeunesse. Ne serait-il pas temps de rappeler son origine tragique ? Le Cameroun a-t-il vraiment réussi à tourner la page ?
Une chose est sûre : en choisissant d’en faire un jour de célébration plutôt qu’un jour de lamentation, Ahidjo a voulu insuffler un esprit de résilience au peuple camerounais. Plus de 60 ans après, cette décision continue de façonner l’identité nationale.
Ainsi, la prochaine fois que vous assisterez aux festivités du 11 février, souvenez-vous : derrière chaque sourire, chaque danse et chaque discours, se cache une histoire de perte, de choix et de renaissance.
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