Le Journaliste de formation et et auteur estime qu’en acceptant cette mission, Achille Mbembe participe activement au projet français de rénovation du modèle du néo-colonialisme de la France en Afrique.
Par Magloire Tchepmo*
Cher
Georges Dougueli, je respecte votre position sur la démarche d’Achille Mbembe, mais il me semble nécessaire de vous dire que votre vision des choses participe à freiner l’émancipation des Africains, ni plus ni moins. Vous êtes un brillant journaliste et je me refuse de croire que vous ignorez le subterfuge qui se cache derrière la fameuse mission confiée par la France à Achille Mbembe.
Si vous êtes véritablement dans cette ignorance, permettez-moi de vous en sortir tout de suite. “En acceptant cette fameuse mission, Achille Mbembe participe activement au projet français de rénovation de son modèle du néo-colonialisme, qui asphyxie l’Afrique depuis les indépendances”. Car en réalité, la démarche de l’Elysée ne vise en rien l’épanouissement des Africains, (il n’en a jamais été question) mais simplement un nouveau souffle à une France en perte de vitesse sur le continent, précisément en Afrique francophone.
La France ne veut pas être larguée
Il ne vous échappe pas qu’à maintes reprises, des officines françaises de prospectives sur l’Afrique ont appelé, à travers des analyses, l’Elysée à repenser sa politique étrangère sur le continent, notamment au Sahel et en Afrique centrale, de peur d’être sclérosée et larguée. La note diplomatique du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (Caps), intitulée <<L’effet pangolin : la tempête qui vient en Afrique?>>, publiée courant avril 2020, est certainement l’une des plus récentes. Ce rapport, qui pointait la mal gouvernance et l’extrême corruption des regimes dictatoriaux à la tête de ces États, notait que “Le discrédit qui frappe les paroles institutionnelles va en outre s’amplifier. L’information se recompose déjà par le bas, en marge des informations publiques”. Le bas dont parle le rapport, vous le connaissez bien, pas besoin de faire un dessin. Au terme de son rapport, le Caps, dont les travaux sont financés par le Quai d’Orsay, recommande à l’Elysée de se tourner vers de nouveaux interlocuteurs, qu’il se charge de recenser : les autorités religieuses, les diasporas, les artistes populaires et… les entrepreneurs économiques et businessmen néo-libereaux. “Anticiper le discrédit des autorités politiques signifie accompagner en urgence l’émergence d’autres formes d’autorités africaines crédibles pour s’adresser aux peuples” formule le rapport.
Cher Georges, la France a de tout temps dénicher la formule magique pour plomber l’émancipation de l’Afrique, car la recette de sa prospérité réside dans le fait que croyons dur comme fer que nous ayons besoin d’elle pour nous développer. Um Nyobe, en avance sur son temps, l’avait compris. Il demandait, sans violence, la réunification et l’indépendance du Cameroun. La France l’a tué, non sans inscrire dans notre mémoire collective qu’il était un violent maquisard. Et après sa mort, un haut commissaire français a pu dire “l’hypothèque Nyobe levée, le Cameroun peut accéder à l’independance”Ensuite, ils ont installé à la tête de notre pays, de pseudo-leaders largement acquis à leur cause, prenant le soin de leur injecter le germe de la corruption et de l’accumulation effrénée, afin qu’ils ne pensent jamais à travailler pour le Peuple. Autour de cela, des artifices mensongers sont nés, comme le fameux Consensus de Washington qui a lui aussi donné naissance à l’énorme arnaque de l’aide publique au développement.
La France refuse son émancipation à l’Afrique
Face à la montée en puissance du sentiment anti-français dans la société africaine fortement jeune, la France veut inventer un nouveau subterfuge pour refuser son émancipation à l’Afrique. Et ce subterfuge, c’est celui du leurre. Faire semblant d’être avec nous pour mieux nous exploiter. La France a comme par magie compris que c’est avec le peuple et non les dirigeants corrompus qu’il faut bâtir la croissance. Elle a comme par magie constater qu’il y a des intellectuels africains sur le continent, aptes à l’aider à nous aider. Elle a, enfin, toujours comme par magie, découvert que le concept d’aide était inapproprié et qu’il fallait le changer pour un autre plus… politiquement correct : l’investissement solidaire.
Non cher Georges ! arrêtez de jouer le jeu de la France, travaillez plutôt à former la jeunesse africaine au questionnement et à la logique. Car la libération de l’Afrique ne viendra ni de ces intellectuels que vous dénoncez, ni de ceux qui aident la France à nous aider, encore moins des régimes dictatoriaux qui nous gouvernent, mais d’une jeunesse décomplexée, apte à comprendre les enjeux du nouveau monde et prête à impulser l’émergence du continent. Ce travail me semble plus noble cher aîné.
Magloire Tchepmo est journaliste de formation et auteur de Géopolitique des réseaux sociaux in Les Réseaux sociaux
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