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Gouvernance : Remi Tassing, l’homme qui fouille dans les méandres des marchés publics au Cameroun

Dans un entretien accordé à RFI, l’activiste s’indigne de l’utilisation de l’argent destiné à améliorer la vie des Camerounais dans divers secteurs.

Membre du mouvement citoyen Stand up for Cameroon, l’ingénieur Remi Tassing consacre une partie de son temps libre à l’étude des attributions de marchés publics au Cameroun. Un travail solitaire qu’il décrit volontiers comme « ingrat et austère ». Il travaille sur la base des documents mis en ligne par les institutions camerounaises. Face aux « anomalies » qu’il repère et dénonce sur le réseau social X, il rêve d’une prise de conscience collective.

« Le Cameroun a des difficultés de pays pauvres. Mais quand on regarde les budgets, les montants, on se demande ‘’où va l’argent ?” Remi Tassing

Le 1ᵉʳ juin 2024, Remi Tassing publie sur X (ancien Twitter), une liste de 203 agents, contractuels et fonctionnaires, bénéficiaires de marchés publics au Cameroun. « Le Cameroun a des difficultés de pays pauvres. Mais quand on regarde les budgets, les montants, on se demande ‘’où va l’argent ?’’. Avec les marchés publics, il y a une petite traçabilité, insuffisante certes, mais une partie de l’iceberg est visible », déclare Remi Tassing.

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Le déclic vient du Covid19. « Dans le cadre du ‘’Covid Gate ‘’, quand le Fonds monétaire international (FMI) a exigé du Cameroun la publication de la liste des bénéficiaires des budgets, j’ai commencé à m’intéresser aux marchés publics », déclare-t-il avant de rajouter : « ce n’est pas mon métier. J’ai donc appris le Code des marchés publics, le Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques, un document important, mais malheureusement qui n’est pas respecté ». L’ingénieur fait savoir qu’il travaille seul dans le cadre de ses recherches, uniquement à partir de documents accessibles, mis en ligne sur le site de l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP).

 

Une des nombreuses publications de Remi Tassing sur X

 

Il se base sur les appels d’offres, les attributions, les communiqués. Il croise les informations avec les données des services des impôts camerounais, recense les anomalies, les cas de surfacturations, de conflits d’intérêts et les publie sur le réseau social X. Des publications dans lesquelles il précise les noms, les coordonnées et les identifiants du sujet qu’il traite. Un travail d’alerte qu’il dit faire pour ses followers. « Ce n’est pas un travail de journaliste, c’est un travail de lanceur d’alerte. Je mets à disposition des journalistes, des ONG, des institutions, des informations les plus détaillées possible, que j’indique aussi sur la plateforme katika, plus lisible que le site de l’ARMP », déclare-t-il. « Les journalistes pourraient prendre davantage le relais. Mais, au Cameroun, ils travaillent dans un contexte répressif. Résultat : cela ne suscite pas les réactions attendues », renchérit-il.

Capture écran de la plateforme Katika 237

 

Pour Remi, parler des marchés publics au Cameroun pourrait lui prendre toute une journée car il y a tellement à dire. L’un des schémas les plus récurrents selon lui c’est l’achat de véhicules à des prix exorbitants. Par exemple, un recteur d’université lance un appel d’offres en procédure « d’urgence » pour un véhicule à 100 millions de Fcfa, soit 150 000 euros. Dans un pays où certaines écoles n’ont pas de salles de classe et d’autres pas de toilettes. Un autre exemple, c’est l’attribution des marchés publics à des entreprises inconnues, qui ne déclarent pas de revenus auprès de l’administration et ne paient pas d’impôts. Ou encore des marchés attribués par des élus locaux à des entreprises qui leur appartiennent. « Une fois, j’ai trouvé une entreprise bénéficiaire de marchés publics dont les coordonnées étaient celles du Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti majoritaire au Cameroun ». fait-il savoir.

«Ce genre de cas devraient susciter un tollé général ! », explique l’activiste avant d’ajouter : « Dans notre pays, les marchés publics sont utilisés pour redistribuer des prébendes aux membres du parti au pouvoir, le RDPC, par la surfacturation et les rétrocommissions. Cela fait des années que ça dure, mais c’est devenu disproportionné, hors de contrôle ». Ce qui est douloureux selon Remi Tassing, c’est de voir les institutions comme les ministères, la Chambre des comptes, le Contrôle supérieur de l’État (Consupe), la Commission nationale anti-corruption (Conac) et la justice, notamment le Tribunal criminel spécial (TCS) qui devraient s’emparer de ces dossiers ne rien faire. Une situation qu’il qualifie de ‘’ trou noir’’. Sa méthode, taguer (identifier numériquement sur Internet quelqu’un ou quelque chose) les ministères et les institutions concerné(e)s sur X afin qu’ils voient ses publications. Après avoir mis les données à disposition de ses followers, il répond aux questions des journalistes qui le sollicitent.

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Au Cameroun, tous les marchés publics de plus de 5 millions de Fcfa doivent être déclarés à l’ARMP, sauf dans des cas vraiment spécifiques, minoritaires. Mais, au fil du temps, Remi Tassing dit avoir remarqué que certaines institutions n’apparaissent jamais sur le site de l’ARMP. Il s’agit de la présidence de la République, les services rattachés à la présidence, les services de la Primature, le Sénat, l’Assemblée nationale. Pourtant, ces institutions devraient montrer l’exemple. « Tous leurs achats ne sont pas « secret défense », il me semble », avance l’ingénieur. Pour lui, ce travail part de sa volonté d’informer les Camerounais de ce qui se passe avec la gestion des marchés publics. Il mentionne surtout qu’il n’est soutenu par aucune organisation et lorsque les privés lui proposent des contributions, il les renvoie vers le mouvement Stand up for Cameroon. Ses compagnons et lui y travaillent sur les questions de gouvernance et de corruption. En 2018, Remi Tassing a développé Katika. Une plateforme sur laquelle il recensait les incidents dans les régions anglophones et qui aujourd’hui regroupe ces anomalies constatées dans la gestion des finances publiques.

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