Eric Elouga sur l’Affaire Amougou Belinga à l’Esstic: “comprendre la notion même de parrainage”
Le journaliste donne son point de vue sur cette affaire qui tient en haleine l’opinion publique ces derniers jours et pense qu’il est difficile de trouver des arguments pertinents pouvant justifier le choix avorté du parrain de la 53e promo de l’Esstic.
Par Eric Elouga*
Lorsque vous cherchez un parrain pour votre enfant à baptiser, ou un couple pour parrainer votre mariage pour ceux qui le font à l’église, il y a au moins trois constantes qui sont privilégiées. La personne choisie se revendique d’une certaine proximité (familiale, amicale, religieuse) avec vous. Elle incarne une forme de modèle de ce à quoi vous aspirez pour vous ou pour votre enfant. Et donc, elle partage des valeurs qui vous sont communes.
Dans le cadre d’une promotion d’école, ces trois principes (diversité oblige) ne peuvent être appliqués aux individus qui constituent la promotion elle-même. Par conséquent, celle ci est substituée à l’école dont chaque promotion produite doit être le reflet. Autrement dit, les promotions changent mais pas les critères de choix d’un parrain. Il doit revendiquer un minimum de proximité avec l’école en question (d’où généralement des anciens diplômés de ladite école, des enseignants, ou des professionnels reconnus souvent cités en référents pédagogiques). Il doit se poser en modèle pour le produit formé, certes par une forme de réussite, de reconnaissance sociale dans le domaine, mais aussi par la manière de valoriser une profession et l’art qui en découle. Enfin, il doit avoir des valeurs communes avec l’institution et par valeurs on entend un minimum de codes moraux, éthiques et inspirations positives.
Il est difficile à cette aune, de trouver des arguments pertinents pouvant justifier le choix avorté du parrain de la 53e promo de l’Esstic.
Aucune proximité académique ou philosophique avec l’école et sa filière principale, une pratique du métier dans ses organes de presse qui aura foulé toutes les règles déontologiques, un abaissement public d’une profession dont il fait de ses salariés des danseuses du ventre, des danseurs tout court et ensuite des parias à la faveur de licenciements spectaculaires. Difficile d’y voir un modèle de bonnes pratiques journalistiques. Et pour ce qui est des valeurs, de trop nombreux scandales et affaires sulfureuses entourent la personnalité en question pour qu’on y trouve des repères positifs pour la jeunesse en formation.
Les principaux arguments qu’on entend pour justifier ce choix plus que questionnable, c’est la réussite comme magnat des médias et la possibilité qu’en tant que parrain, il aurait pu recruter certains de ces jeunes. Ce deuxième argument peut d’office être battu en brèche. Des anciens diplômés de l’Esstic ont été recrutés par le passé chez ce promoteur sans qu’il n’ait eu besoin d’en pouponner la promo, et les étudiants de l’Esstic devraient miser d’abord sur leurs qualités pour accéder au monde du travail et non sur des “atalakou” qui ternissent l’image de leur mamelle formatrice. Quant à l’argument de la réussite dans le monde des médias, il n’est valable que lorsqu’on confond audimat et qualité, argent et performances. Ça en dit long sur notre temps qui sacralise plus que jamais la notoriété et les moyens comme signes de réussite, quand bien même ils sont assis sur un tas de fumier.
* Journaliste
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