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Douala 2ème: incursion au cœur du quartier Makéa

Les jeunes de ce quartier ont soufflé le chaud et le froid dans la ville de Douala, après le décès de l’un des leurs par balle. Au lendemain de ce drame, Télé’Asu vous conduit dans ce quartier qui, bien qu’animé en grande partie par des activités commerciales, traine plutôt une sinistre réputation, du fait de la vente et la consommation de drogue qui s’y déroule.

Au domicile familial de Arafat Mohamed Tanko Zidane le mardi, 13 décembre 2022, au quartier Makéa, la famille porte le deuil. Dans la maison familiale, les amis et proches du défunt et de la famille se succèdent. Tous viennent apporter soutien et réconfort moral à la famille qui vient de perdre l’un des leurs. « Zidane était un garçon calme. Comme la plupart des jeunes de son âge, il avait ses qualités et ses défauts. Mais, il était quelqu’un à qui on pouvait faire confiance. Sa mort aussi subite qu’inattendue, nous laisse sans voix », note un voisin. Au lendemain de son décès et des émeutes qui s’en sont suivies, Makéa a repris son train-train quotidien. Les activités commerciales qui pullulent dans ce quartier situé entre le marché Central de Douala, le marché Ancien 3ème et le marché Congo battent leur plein. Mais, dans les mémoires, les souvenirs de la journée mouvementée de lundi, sont encore vivaces. En effet, ce qui s’est passé ce lundi, 12 décembre 2022 est le prolongement de ce qui s’est passé dans la nuit de vendredi à samedi.

Coup de feu mortel

A en croire le chef traditionnel de 3ème degré, du quartier Makéa, Sa Majesté Aboubakar, la quiétude de ce quartier situé dans l’arrondissement de Douala 2ème a été perturbée vendredi, 09 décembre, aux environs de minuit. «Vendredi, aux environs de minuit, j’ai entendu une détonation, et je me suis dit que ce sont les pétards, puisque c’est toujours le cas à la veille des fêtes de fin d’année. Trois autres détonations ont été entendues. Et dans la foulée, mes notables sont arrivés et viennent me dire qu’on a tiré sur Zidane. Nous sommes descendus sur les lieux, et le quartier était noir de monde. J’ai immédiatement saisi le sous-préfet de Douala 2ème et le commissaire du 3ème qui sont descendus sur les lieux », explique l’autorité traditionnelle. Sur place, deux fouilles de balles sont retrouvées et données à la police au milieu d’une foule en ébullition. Surtout que sur le sol, Zidane est couché, inerte, il a reçu une balle juste à l’extrémité de sa bouche. Il est ensuite transporté à l’hôpital Laquintinie de Douala où il suit des soins.

Mais, sur place, la population de décolère pas. Surtout que les jeunes ne comprennent pas les raisons pour lesquelles le feu a été ouvert contre eux. Selon les informations recueillies sur place, quatre gendarmes ont fait irruption dans le quartier, à bord d’un véhicule pick-up banalisé, de couleur noir. Ils vont s’arrêter à l’un des endroits où les jeunes se rassemblent d’habitude et consomment la drogue. Selon ces jeunes, les deux parties ne s’étaient pas entendues sur le montant de l’argent qui leur est réclamé. L’un des jeunes est menotté et jeté dans le véhicule. Un autre prendra la fuite. A ses trousses, les gendarmes. Dans sa course, le jeune du quartier est interpellé par un groupe de jeunes qui, assis devant une maison, suivent les commentaires des matchs de la coupe du monde Qatar 2022. Il explique les raisons de sa fuite. Et c’est sur ces entrefaites que les gendarmes arrivent. Les hommes en tenue somment les jeunes hommes de rester sur place, faute de quoi, ils ouvriront le feu. Le ton monte entre les deux parties. Le gendarme sort son arme, et un coup de feu est tiré. Zidane s’écroule. Ses amis se lancent à la poursuite des gendarmes afin de les neutraliser. Ils tirent trois autres coups de feu, et s’en vont, avec dans leur véhicule, le jeune menotté.

9500 Fcfa

Sur place à Makéa, le ton monte. Les forces de maintien de l’ordre assiègent le quartier. « Les jeunes se sont servis des comptoirs des commerçants pour dresser des barricades à toutes les entrées du quartier. La police et la gendarmerie sont arrivés par dizaines. Ils ont fait usage de gaz lacrymogène, et de tirs de canons à eau pour disperser la foule. De son coté, les jeunes du quartier ripostaient en lançant des cailloux », informe un habitant du quartier. La présence du sous-préfet n’y changera rien. Heureusement, les efforts du chef du quartier pour les ramener au calme vont s’avérer payant, ajouté au fait que Zidane ne soit pas mort. L’affrontement dure jusqu’à samedi matin, à 5h. Un affrontement auquel va assister Kamirou, le jeune menotté et emporté par les gendarmes. « Il m’a rapporté que le véhicule est allé vers Ndogbong. Qu’arrivé à un endroit obscur, ils l’ont fouillé. Il avait sur lui la somme de 9500 Fcfa. Les gendarmes ont pris 9000 Fcfa et lui ont demandé de payer son transport avec 500 Fcfa pour regagner son domicile », révèle Sa Majesté Aboubakar.

Un calme précaire qui va durer jusqu’à lundi, à l’annonce de la mort de Zidane. Il est environ 14h. Informé, les jeunes vont alors se ruer vers l’hôpital Laquintinie. Ils prennent le corps de force et sortent avant que la dépouille de Zidane ne soit récupéré par les policiers. La dépouille sera lavée, avant d’être inhumée au cimetière du Bois de singe, en présence du sous-préfet de l’arrondissement de Douala 2, et des forces de maintien de l’ordre (Fmo).

Dealers de drogue

Une vue du drain aux abords duquel la vente et la consommation de drogue se déroule

A en croire le chef du quartier, Makéa est victime de la triste réputation qu’il traine. Une réputation, encouragée par les autorités administratives et les Forces de maintien de l’ordre, rage t-il. Le chef traditionnel de 3ème degré dit avoir adressé plusieurs correspondances aux autorités administratives et aux Fmo, afin qu’ils mettent un terme à la consommation de la drogue dans ce quartier. Dans lesdites correspondances, Sa Majesté Aboubakar pose le problème, identifie les bloc 3 et 8 où le trafic et la consommation de la drogue se font en toute quiétude. Il cite également nommément les bailleurs qui louent leurs maisons pour la vente et la consommation de la drogue et donne les noms des locataires qui se plaisent dans cette activité. « Ces bailleurs doivent être interpellés, et ils doivent être dépossédés de leurs maisons s’ils continuent de se prêter à cette pratique dangereuse pour la santé et pour la vie des consommateurs et des populations », proposer avec insistance un notable, furax.

 LIRE AUSSI: Insécurité : des jeunes du quartier Makéa assiègent Douala

Et ici, le coin est connu de tous. Un tour effectué en présence du chef du quartier dans ce secteur permet de mieux toucher du doigt la réalité du trafic de drogue ici exercé. Le principal lieu de vente et de consommation de la drogue au quartier Makéa est situé derrière la maison du parti, au niveau du drain Sud. Il est 11h. De part et d’autre de ce drain, des maisons d’habitations vétustes, construites pour certains en matériaux provisoire. Un parfum de drogue chatouille les narines. Tout à côté du drain, des jeunes qui font de la lessive. D’autres sont assis, tenant entre leurs doigts, un filon de drogue qu’ils fument et laissent échapper de la fumée. Le lieu semble désert, ou presque. Dans les maisons voisines, des hommes et femmes sont visibles, un filon de drogue entre les doigts, de la fumée s’échappant de leur bouche.

Drain Sud

A la vue du chef, on entend une voix crier : « sortez ! sortez de là !». Et les abords de drain presque vides la seconde d’après est noire de monde. Des hommes et femmes sortent de ces maisons, par centaines. Amaigris très souvent, vêtus avec des vêtements qui laissent à désirer. Le regard hagard pour la plupart, ces hommes et femmes, n’en finissent pas de sortir de ces maisons. Se sentant en insécurité, le reporter demande à quitter ce lieu infect où la drogue étouffe les narines.

« Croyez vous qu’ils ne sont pas au courant de cet endroit ? Je leur ai déjà écrit plusieurs fois. S’ils veulent mettre un terme à la vente et à la consommation de la drogue ici, cela ne coûte rien. Dans toutes ces maisons que vous voyez en bordure de route là, c’est essentiellement la drogue qui est vendue à l’intérieur. Les autorités administratives et les Forces de maintien de l’ordre le savent, mais ne font rien », crache Sa Majesté Aboubakar.

D’après lui, l’ancien sous-préfet Garba Bakari avait éradiqué la consommation de la drogue dans ce quartier pendant deux ans. Mais, une pratique qui est revenue après son départ. L’autorité traditionnelle souhaite que ce côté du quartier soit à l’image de l’autre coté représentant la plus grande partie du quartier, où prospèrent, activités commerciales et sécurité.

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