Canton de Mazéra : la population défie le préfet et impose son chef

La tentative du préfet du Logone-et-Chari, dans l’Extrême-Nord, d’imposer un chef de canton à Mazéra s’est heurtée à une vive opposition populaire. Accusé de favoritisme et de corruption, l’administrateur a vu sa démarche rejetée en bloc par les notables et les habitants, qui ont intronisé leur propre candidat.

Par Célestin TABOULI Succès

Les consultations pour la désignation du chef de 2ᵉ degré du canton de Mazéra, dans l’arrondissement de Zina, département du Logone-et-Chari, ont tourné au bras de fer entre l’administration et la population. Accusé de favoritisme et de corruption pour avoir tenté d’imposer un candidat, le préfet s’est heurté à une vive résistance populaire, aboutissant à un échec retentissant. L’affaire a éclaté le 6 février 2025, jour des consultations pour la désignation du nouveau chef de canton, lorsque le préfet du Logone-et-Chari, Fombele Mathias Tayem, est arrivé à Zina vers 11 heures. Après l’hymne national et le discours de bienvenue du maire, l’administrateur a pris la parole. Dans une déclaration qui a choqué l’assemblée, il a violemment réprimandé son propre sous-préfet, le menaçant de sanctions. Il s’en est également pris à la presse.

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Mais c’est l’étape de la lecture des modalités de désignation du chef qui a mis le feu aux poudres. Selon la coutume locale, ce processus doit être conduit par les chefs de 3ᵉ degré, les notables de la cour et les ayants droit du défunt chef. Or, le préfet a déclaré disposer d’une liste de 21 notables, qu’il a présentés comme les seuls habilités à choisir le nouveau chef.

Un tollé général et un rejet populaire

Lorsque le préfet a commencé à lire les noms de ces 21 notables, une onde de stupeur s’est répandue dans l’assemblée. Les populations locales, y compris les véritables notables, n’ont reconnu aucun de ces noms. Cette situation a immédiatement suscité un rejet massif. Malgré les protestations, le préfet a ignoré les contestations et poursuivi en affirmant que 19 notables sur 21 avaient désigné Mahamat Mama comme le nouveau chef. Pourtant, aucune consultation formelle n’avait eu lieu. Cette annonce a provoqué une explosion d’indignation.« C’est une mascarade, une insulte à notre tradition ! » s’est écrié un notable, visiblement outré.

La population du Canton de Mazéra

Face à ce coup de force, les chefs traditionnels et la population ont décidé d’agir. En pleine cérémonie, ils ont porté en triomphe Liman Mama, fils aîné du défunt chef, sous les acclamations de la foule. Pris de court, le préfet a tenté d’user de la force en ordonnant au commandant de brigade de protéger son candidat. Mahamat Mama a ainsi été conduit à la brigade sous surveillance. Mais la population, déterminée à faire respecter son choix, a organisé la protection de Liman Mama, qui siège désormais sur le trône de son père.

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Le conflit prend une tournure préoccupante. Les habitants exigent l’intervention des autorités supérieures et rappellent qu’ils avaient déjà saisi les instances compétentes dans une lettre datée du 1ᵉʳ février 2025. Adressée au préfet, cette missive a également été envoyée au ministre de l’Administration territoriale, au gouverneur de l’Extrême-Nord, au sous-préfet de Zina et au sultan du Logone Birni. Sans réponse de la hiérarchie, la population prévient qu’elle ne reviendra pas sur son choix. « Nous avons pris notre décision et nous ne reculerons pas ! », scandent les habitants.

Alors que la situation reste tendue, la question demeure : les autorités supérieures entérineront-elles cette élection populaire ou soutiendront-elles le préfet dans ce bras de fer périlleux ?

Il faut noter que la chefferie de 2ᵉ degré de Mazéra influence l’ensemble du Grand Yaéré, une région englobant les arrondissements de Logone Birni,Waza, Maga et Kai-Kai. Une crise non résolue pourrait donc entraîner des répercussions bien au-delà des frontières du canton.