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Université de Douala : ce qu’il faut savoir à propos des 80 enseignants «absentéistes»

Bien que certains aient été mis en stage, en mission ou en détachement, d’autres qui ont quitté le Cameroun depuis des années après l’aboutissement de leur procédure d’immigration continuent d’émarger dans les caisses de l’Etat.

Par Armel Mouanjo

Plusieurs irrégularités figurent sur la liste des 80 enseignants rendue publique par le recteur de l’université de Douala. Elles font défiler certains d’entre eux au sein de cette institution universitaire afin de la régulariser. A la Direction des affaires académiques et de la coopération (Daac) où ils se rendent afin de justifier les raisons de leur absence lors du dernier recensement, les journalistes sont indésirables. Toutefois, Télé’Asu a pu apprendre que plusieurs enseignants ont déjà apporté les justificatifs de leur absence à leur poste de travail et que pour ceux-là, la situation est désormais régularisée. Mais, beaucoup manquent encore à l’appel. Et le temps presse. Dans le communiqué radio qu’il a rendu public le 21 octobre 2024, le recteur, le Pr Magloire Ondoa, invite ces enseignants de son institution, « absents de leur poste pendant le dernier recensement, à bien vouloir le rejoindre dans un délai de 15 jours à compter de la date de signature du présent communiqué, faute de quoi ils seront placés en situation d’absence irrégulière ». Un délai qui prend fin le 04 novembre prochain.

Anomalies

A l’université de Douala, la liste fait grands bruits au sein du corps enseignants. Il se murmure que sur cette liste, figure les noms de nombreux enseignants qui auraient au préalable justifié leur absence et obtenu l’accord de cette institution universitaire. « Sur cette liste du recteur de l’université de Douala, tout le monde n’est pas en situation irrégulière il y a des collègues qui ont été mis en stage en bonne et due forme et dont les noms y figurent. On espère simplement que les outils à la décision seront mis à disposition pour qu’il n’y ait pas de cas d’injustice et qu’effectivement ceux qui ne sont plus là arrêtent d’émarger dans les caisses de l’Etat », précise le Pr Wogaing Fotso, secrétaire générale du Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes).

Et la syndicaliste illustre ses propos avec plusieurs exemples. Elle prend le cas d’une enseignante dont le nom figure sur cette liste et qui est attachée à l’ambassade du Cameroun au Nigéria ; le nom n°1 sur la liste qui est une enseignante de l’université de Douala nommée à l’université de Maroua ; un autre qui a été mis en stage dans le cadre de la commission franco-camerounaise pluridisciplinaire sur le rôle de l’engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes, et dont la mission s’achève le 31 janvier 2025. Et ce n’est pas tout. On peut aussi y voir un nom qui revient deux fois, à l’instar du n°31 qui est identique au n° 80. Plusieurs noms sont par ailleurs mal orthographiés, apprends Télé’Asu.

« Un ordre de mission de moins de six mois est signé par le recteur et au-delàs de 6 mois, c’est le ministre de l’Enseignement Supérieur qui met l’enseignant en stage ».

Les enseignants disent ne pas comprendre comment autant d’irrégularités ont pu se retrouver sur cette liste. « C’est certes le Minesup qui met un enseignant en mission. Mais, la note part de l’université pour le Minesup. Et il y a une hiérarchisation. Un ordre de mission de moins de six mois est signé par le recteur et au-delàs de 6 mois, c’est le ministre de l’Enseignement Supérieur qui met l’enseignant en stage. Mais, dans tous les cas, la note part de l’université pour le Minesup qui entérine tout simplement en adressant une correspondance à l’université de Douala qui autorise le recteur à mettre l’enseignant en stage ou en mission. Il y en a également qui ont été bénéficiaires de bourse », explique un enseignant.

Une mesure salutaire

Toutefois, le communiqué du recteur est jugé salutaire par le Synes et par les enseignants de l’université de Douala. « Il y a des enseignants qui sont hors du pays et qui continuent à émarger dans les caisses de l’Etat, que ce soit en ce qui concerne les primes internes, la prime de la modernisation de la recherche, le salaire ou encore l’assurance maladie pour d’autres », dénonce la syndicaliste. Surtout que l’absence de ces enseignants a des conséquences sur la charge de travail de ceux présents à leur poste et sur la qualité du travail qui est fait. « Si dans une spécialisation vous étiez 2 et que l’autre part, le nombre d’étudiants que vous allez encadrer double; ce qui est pénible pour cet enseignant; l’autre point positif de ce toilettage est que les absentéistes soient dénichés et que cela permette à l’Etat de faire de nouveaux recrutement et employer ceux qui ne demandent qu’à travailler ».

Collusions

A l’université de Douala, les langues se délient au sujet des trafics et magouilles qui entourent l’absence de certains enseignants à leur poste de travail. Plusieurs enseignants disent être au courant de ce que beaucoup de leurs collègues ont abandonné leurs postes de travail depuis des années et résident désormais hors du pays, avec femmes et enfants, après l’aboutissement de la procédure d’immigration qu’ils ont entrepris. « J’ai déjà eu à rencontrer, lors de mes missions en Europe, certains collègues enseignants qui sont partis sans informer l’université, et qui continuent de percevoir leur salaire, avancement et autres diverses primes. Plusieurs d’entre eux disent ne pas être revenus au Cameroun depuis leur départ qui remonte à des années », dénonce un enseignant. Les enseignants s’accordent à reconnaitre que ces départs masqués sont faits avec la complicité de la hiérarchie directe de ces enseignants.

Selon cet enseignant, l’université a les moyens de savoir si un enseignant est en stage, en mission ou affectés ailleurs. Dans chaque département, explique-t-il, on est en principe sensé savoir qui est là et qui n’est pas là, si les différents responsables font bien leur travail et rendent compte des présences et des absences au décanat qui en fait de même à la Daac. « Il y a toute une Direction des affaires académiques et de la coopération où on est censé archiver les ordres de mission des enseignants. Quand un enseignant part en mission, il est censé avoir déposé cette documentation à la direction des affaires académiques », explique-t-il.

Lire aussi : Université de Douala : 80 enseignants sommés de reprendre leur poste sous peine de sanctions

Pourtant, l’absence non justifiée et non signalée de certains enseignants dont les noms figurent sur cette liste remonte à des années. « Sur cette liste, il y a des collègues qui sont partis du Cameroun depuis 5, 6 ans et qui continuent à émarger dans les caisses de l’Etat. Et donc, quelque part, il y a des complicités en interne parce que tout chef de département qui ne déclare pas qu’un enseignant n’est pas là se fait complice de ce détournement de l’argent de l’Etat, tout comme le chef d’établissement ou le doyen qui est au courant et ne transmet pas l’information à sa hiérarchie. Il y a des collusions en interne. C’est regrettable », regrette un enseignant.

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