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Prix de la bière : quand le Mincommerce et les acteurs brassicoles jouent au chat et à la souris

Depuis le 1er novembre 2024, le prix de la bière est passé de 650 Fcfa à 700 Fcfa. L’augmentation, pourtant consentie entre les brasseurs et les barmen, est décriée par le ministre du commerce qui dénonce ne décision illégale et promet de déployer ses agents de contrôle. Boissons du Cameroun se défend.

Par Armel Mouanjo

C’est acté ! La bière est vendue désormais à 700 Fcfa. Depuis le vendredi, 1er novembre, les consommateurs des produits brassicoles ont constaté une augmentation de 50 Fcfa sur le prix des produits brassicoles. Bien que la hausse fût déjà pratiquée par la presque totalité des barmen et autres exploitants des débits de boissons, depuis le vendredi, 1er novembre 2024, ceux qui pratiquaient encore le prix conseillé de 650 Fcfa vendent désormais leurs produits avec un surplus à la facturation de 50 Fcfa. Bien que du côté des débits de boissons, l’on ne parle pas d’une hausse du prix de la bière, mais, d’un « rattrapage » du prix déjà pratiqué par les débits de boissons. « Il ne s’agit pas d’une hausse. Mais, il a été question pour les acteurs du secteur brassicole de rattraper le prix de 700 Fcfa qui était déjà appliqué dans la presque totalité des bars et débits de boissons à cause des difficultés que nous rencontrons dans le secteur », explique Hervé Nana, président national du Syndicat des Débits de Boissons et Bars du Cameroun (Syndebarcam).

Mise en garde du Mincommerce

Une augmentation qui n’est pas du goût du ministre du commerce. Dans une correspondance en date du 04 novembre 2024, Luc Magloire Mbarga Atangana décline sa responsabilité sur cette hausse. Le Mincommerce informe la communauté des consommateurs qu’ « à l’issue d’une relecture des conventions qui relève de l’accord des parties, liant certaines sociétés brassicoles à leur circuit de distribution, les exploitants des débits de boissons, ont cru devoir, en violation flagrante des textes applicables en la matière, procédé à une augmentation illégale du prix de la bière et des boissons hygiéniques ».

Communiqué du Mincommerce

 

Le Mincommerce a aussi rappelé que ces produits sont soumis à la procédure d’homologation préalable des prix par son administration, et peuvent faire l’objet de négociations par le mécanisme des prix concertés. « Le prix de la bière et des boissons hygiéniques reste inchangé et tout contrevenant s’expose à la rigueur de la loi. Les équipes de contrôle sont déployées sur le terrain en vue de la défense et la préservation des intérêts des consommateurs », menace-t-il.

Frais de chargement d’après Boissons du Cameroun

Dans un communiqué publié ce 5 novembre 2024 et qui sonne comme une réponse au Mincommerce, Boissons du Cameroun fait savoir qu’il s’agit « des frais de chargement correspondant à des prestations de manutention, de contrôle et de mise en contrôle des bouteilles de bières et alcool ». Le Dg, Stéphane Descazeaud, de poursuivre « Ce réaménagement de sa politique commerciale vis-à-vis de ses distributeurs vise à rétablir une certaine équité dans la filière brassicole face aux frais d’enlèvement facturés et aux majorations des prix pratiquées sur le marché ». Pour lui, il est question de survie et de pérennité du secteur.

Combler un déficit

La décision de faire passer « officiellement » le prix de la bière de 650 Fcfa à 700 Fcfa par les brasseurs et les barmen a été prise deux semaines plus tôt. Le 16 octobre 2024, syndicats de défense des droits des débits de boissons, et association sont convoqués à une rencontre avec les responsables de la Capa. « Au cours de ces travaux, ils nous ont présenté les difficultés que traversent les entreprises brassicoles ; fait des simulations sur ce qui devrait être fait pour que l’activité se porte mieux ; proposé que la bière soit vendue à 700 Fcfa ; ont augmenté nos ristournes. Nous avons accepté et le procès-verbal de réunion a été signé par les syndicats et associations des débits de boissons présents. Ces nouveaux réajustements devraient prendre effet dès le 1er novembre », explique un barman.

La question des ristournes

Au terme de la réunion, brasseurs et barmen sont satisfaits. Et pour cause. Les sociétés brassicoles consentent à augmenter les ristournes (longtemps demandées par les barmen). Une augmentation de 75 Fcfa pour le casier de 12 bouteilles et de 144 Fcfa pour le casier de 24 bouteilles, faisant ainsi passer ces ristournes respectivement à 312 Fcfa et à 444 Fcfa.

Communiqué des Boissons du Cameroun

 

Les brasseurs demandent aux barmen de désormais payer les frais d’enlèvement, présentés comme étant les frais de manutention de la boisson à l’usine et de transport de la boisson de l’usine jusqu’à la livraison au débit de boissons. Les barmen doivent désormais payer pour cela, 600 Fcfa par casier. « Nous avons trouvé ce montant élevé, mais, malgré nos négociations, les brasseurs ont refusé de le réduire. On se serait attendu qu’il soit de 200 Fcfa ou 300 Fcfa. Mais, pas jusqu’à 600 Fcfa », explique Alain, barman.

Inflation

Pour justifier cette hausse, les barmen et brasseurs ont toujours déploré l’inflation que traverse ce secteur depuis le début de la guerre en Ukraine. En mars dernier, au cours de l’inauguration de la nouvelle chaîne d’embouteillage de la Sabc, le Dg, Stéphane Descazeaud faisait déjà un plaidoyer en faveur de la hausse du prix de la bière. « 5 ans que le prix de la bière n’a pas augmenté au Cameroun. 3 ans que nous subissons un tsunami inflationniste sur les matières premières, le carburant, l’électricité, le gaz, les salaires, les taxes, la hausse des droits d’accises décidée dans la loi de finance 2024, ne font qu’apporter l’insécurité à la fragilité déjà palpable ».

Lire aussi : Comprendre la crise de confiance entre le gouvernement, les opérateurs économiques et les syndicats du secteur brassicole.

Et de poursuivre. « Nous subissons les coupures d’électricité qui ont réduit notre capacité de production depuis décembre dernier et endommagé de nombreux de nos équipements pour lesquels nous n’avons pas toujours les pièces de rechange disponibles ». D’où les ruptures de stocks, menaces qui pèsent sur la filière, non-respect des prix de vente…

La question des taxes

Cependant, barmen et brasseurs s’accordent à dire qu’il revient à l’Etat de faire que le secteur brassicole se porte bien, indiquant que sur le prix de la bière, près de 50% du prix de la bière vendu est composé de taxes qui sont reversées à l’Etat. « Il revient simplement à l’Etat de réduire ces taxes, et on pourra vendre la bière même à 500 Fcfa ou moins sans que ça ne nuise à personne », note un barman. « C’est à se demander si l’Etat a décidé de tuer ce secteur. Lorsque le ministre du commerce demande de ne pas vendre à 700 Fcfa alors que le secteur se meurt, alors que les chiffres des sociétés brassicoles sont en, baisse, c’est à se demander si on veut tuer ce secteur », s’indigne un barman. Les barmen qui disent ne pas savoir à quel Saint se vouer disent attendre de voir si les résolutions prises au cours de la réunion du 16 octobre avec les brasseurs seront appliquées.

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