Mbankolo : la vie après le drame…
Les rescapés sont à la maison du parti de Nkomkana, une trentaine de morts et autant de maisons détruites par les autorités après le drame. Immersion au cœur de ce quartier où la vie ne sera plus pareille.
Une correspondance particulière de Guillaume METE
Une semaine s’est écoulée depuis la tragédie qui a frappé Nkol-Etam par Mbankolo, à Yaoundé 2, ensevelissant maisons et habitants. Des amas de pierres, de tôles et de planches jonchent le lieu de l’éboulement et ses environs. Samedi 14 octobre dernier, la mairie de Yaoundé 2 a sollicité les engins de la société Razel pour démolir les habitations illégales, selon le chef du bloc n°2 de Nkol-Etam, sa Majesté Hubert Lucas ETEME. « Razel a détruit plus d’une vingtaine de maisons, soit une trentaine. C’est pour éviter une autre catastrophe », confie le chef. L’eau provenant du lac à l’origine du drame s’est frayée un chemin et continue de couler dans le flanc de colline.
Selon les autorités publiques, le bilan s’élève à une trentaine de morts, des personnes disparues, 17 blessés pris en charge dans les formations hospitalières et 57 familles touchées par le drame. Les blessures sont encore vives et les cœurs sont meurtris. Les rescapés, environ 250, sont quant à eux logés et nourris à la maison du parti de Nkomkana. Des psychologues, la mairie de Yaoundé 2 et le ministère des Affaires sociales sont à leur chevet pour évacuer le drame et les aider à se reprendre en main… « Nous dormons ici et mangeons bien, en attendant d’être relogés ailleurs », s’est réjouie une dame, qui a pu s’en sortir saine et sauve avec ses enfants, en annonçant que le chef de l’État a donné des instructions pour que des mesures soient prises.
Solidarité et soutien dans l’adversité
Sur le site du drame, les délégations se succèdent en gravissant les pentes en évitant la boue qui règne et continuent d’affluer pour apporter réconfort et soutien aux victimes. Parmi elles, l’honorable Albert KOUINCHE, chef de la communauté Bandjoun, est venu jeudi dernier réconforter les familles des victimes, dont une quinzaine étaient originaires de Bandjoun. Au lendemain du drame, les femmes et les filles MTIEKI se rendent chaque jour sur les lieux de la catastrophe pour soutenir la famille de leur sœur et de son fils décédés. Elles apportent également réconfort aux voisins dont les membres ont péri dans l’éboulement, car elles sont familières avec certains d’entre eux. Leur présence témoigne de leur solidarité et de leur soutien. Certains viennent avec des gerbes de fleurs et des bougies pour honorer la mémoire des disparus, tandis que d’autres, chapelet à la main, viennent implorer la Vierge Marie de prendre soin des âmes des victimes et de leurs proches. Certains apportent des dons tels que de l’eau, des meubles et de la nourriture, tandis que d’autres viennent s’enquérir de l’ampleur des dégâts. La peine et l’étonnement sont palpables…
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Le chef du bloc n°2 de ce lieu, sa Majesté Huber Lucas ETEME, a été alerté immédiatement par la population en détresse aux environs de 18h30, le jour du drame. Conscient de l’importance de la visite de toutes ces personnes, il se tient à leur disposition et les accompagne tout au long de leur démarche…« Le drame est survenu chez moi… Depuis dimanche soir, je suis avec les autorités, les policiers et les sapeurs-pompiers ; nous travaillons d’arrache-pied et en collaboration car les fouilles se poursuivent. Il y a des personnes qui cherchent encore des membres de leur famille. Nous orientons certains à l’hôpital Central de Yaoundé pour vérifier si personne ne correspond à leurs recherches. En tant que chef, j’accueille également les personnalités qui viennent soutenir les familles endeuillées », indique le chef de Nkol-Etam. Sur le site de la tragédie, de jeunes volontaires se sont mobilisés pour déblayer les décombres, trier les affaires personnelles récupérables et nettoyer les lieux. Certains jeunes, dans un geste de résilience, ont même exprimé leur détermination à vendre les matériaux récupérés, tels que les tôles, les matelas ou les planches. Sa Majesté considère cela comme un acte d’incivisme. «Certains riverains viennent récupérer les ferrailles dans les décombres pour les revendre, alors que les familles endeuillées n’ont même pas encore fini de pleurer leurs morts », déplore-t-il.
Un lac et un mur qui datent de l’époque coloniale allemande
Revenons maintenant sur les causes de l’éboulement. Il s’agit d’une digue qui retenait les eaux d’un lac artificiel. Suite à une forte pluie, le mur construit par les Allemands pour contenir les eaux du lac a cédé sous la pression. « Le lac s’est entièrement déversé sur les habitations construites sur le flanc de la colline », ont déclaré certains habitants rescapés. Ce lac existe depuis l’époque coloniale allemande. Un homme âgé de 70 ans dans ce quartier se souvient de ce lac depuis son enfance. Il raconte que ce lac alimentait toute la région de Yaoundé, y compris ses environs. « Moi, j’ai 62 ans, je suis né et j’ai trouvé ce lac et ce mur. Mon père, qui est mort à l’âge de 73 ans, a également connu ce mur. Ce lac fournissait de l’eau à toute la ville de Yaoundé à l’époque des Allemands. Je n’aurais jamais imaginé que ce mur puisse s’effondrer », explique le chef de bloc de Nkol-Etam. Le chef de bloc dément par ailleurs la rumeur qui attribue à un ministre de la République la propriété du lac dont les tentatives de rétention d’eau auraient été la cause du drame. «Ce lac n’est pas celui du ministre Grégoire Owona. Les gens racontent les histoires. Il n’avait même pas encore construit ici, qu’il existait déjà” déclare t-il avant de préciser que “c’est d’ailleurs à ce lac que le quartier doit son nom : Nkol, la montagne, Étam, le lac”. Il faut souligner que les fissures étaient perceptibles sur le mur depuis longtemps. les populations qui se sont installées sur les lieu ont aussi réduit considérablement les passages d’eau, ce qui a contribué à affaiblir le mur de soutènement qui était deja fissuré et a donc cédé sous la pression des eaux de pluie tombée les jours précédents le drame.
Concernant la situation des zones inconstructibles, le ministre de l’Administration territoriale a souligné que la tolérance administrative a atteint ses limites, même si, dans certains cas, cela a été fait pour préserver la paix sociale. « Lorsqu’il y a des décès, c’est la responsabilité de l’État. Nous avons une approche qui commence par l’éducation, la sensibilisation et les avertissements. Mais à partir d’aujourd’hui, il n’y aura plus de constructions dans les zones à risques. Cela signifie que les démolitions commenceront dès les fondations », a déclaré avec insistance Paul ATANGA NJI.
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