Farines locales: le gouvernement fédère les acteurs pour sauver la production

Face à la hausse des prix des matières premières suite aux chocs mondiaux, l’Etat camerounais met sur pied une plateforme pour favoriser un tissu industriel robuste et la promotion du made in Cameroon

Par Armelle SITCHOMA

Deux mois après, l’augmentation de la somme de 25 F.Cfa sur le prix de la baguette de pain de 200 grammes, la pilule reste toujours amères et dur à avaler pour les consommateurs et ménages au Cameroun. Ali est boutiquier dans la capitale économique du pays. Depuis l’effectivité de ce prix, les invendus ne cessent de s’amasser. Les voix s’élèvent de plus en plus pour déplorer cet état des choses pourtant le pays dispose de la matière première locale pour la fabrication du pain et des produits dérivés. Des intrants sous et mal exploités. « La compétitivité du Cameroun passe par la production de la farine locale en quantité industrielle et moins couteux », pense un fabriquant de farine à base de manioc.

Du pain à base de farine locale, un défi à relever

Une plateforme comme solution pour regrouper les acteurs

Ce fabriquant fait partie des acteurs invités autour de la table. Un atelier interrégional de sensibilisation et d’information des acteurs de promotion des farines locales des régions du Littoral et du Sud-Ouest a été organisé . Il vise la mise en place d’une plateforme regroupant l’ensemble des promoteurs des farines locales au Cameroun. Atelier organisé ce 13 mai 2022 au cercle municipal de Douala et piloté par le ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, Minepat.

L’objectif de cette assise, « regrouper l’ensemble des promoteurs des farines locales au sein d’une seule Plateforme nationale avec pour but de faciliter leur encadrement et d’influer sur le marché, en vue de sortir notre pays de la dépendance des produits venus de l’extérieur», rappelle Zoutene Doufene, Directeur général de la planification et de l’aménagement au MINEPAT dans son propos d’ouverture.

953 476 tonnes de froment de blé et méteil importés en 2021 

Cette dépendance croissante aux importations expose le pays aux effets des chocs mondiaux, à l’instar de la crise sanitaire du coronavirus et plus récemment, le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, qui perturbent les chaînes d’approvisionnement des produits fournis au Cameroun. Cette situation est donc de nature à engendrer la hausse des coûts à l’importation et par conséquent, l’augmentation des pressions inflationnistes. «D’après les données de l’Institut National de la statistique (INS, 2022), l’état du commerce extérieur en 2021 montre que la facture des importations des produits alimentaires continue de s’alourdir. Ces importations sont  principalement tirées par les achats de riz et de froment de blé et méteil.», formule Aboubakary Haman Tchiouto, Sécrétaire général des Services du gouverneur du littoral.

Le manioc véritable mine d’or à exploiter

La même enquête de l’INS 2022 révèle que, les prix des produits provenant de la Russie et de l’Ukraine, notamment la farine de blé ont explosé. Les dépenses d’importations de froment de blé et méteil se chiffrent à 180,260 milliards de FCFA pour une quantité importée de 953 476 tonnes en 2021  soit une hausse de 30 % en valeur et 12% en quantité par rapport à l’année précédente.

Des produits locaux à moindres coûts

D’où l’optique, des initiatives entreprises pour la promotion des farines locales, en vue de remédier à la dépendance aux farines importées. Portée par des Organisations paysannes, la production de la farine locale demeure cependant artisanale et peine à donner les résultats concrets, à cause de l’absence de moyens adéquats pour une production à l’échelle industrielle et surtout d’une coordination des différents acteurs.

Madeleines à la farine de manioc (c) aistoucuisine.com

Les ateliers interrégionaux en cours ont pour objectifs de partager le contenu du projet de la plateforme, présenter l’intérêt d’y adhérer et les conditions d’adhésion, susciter l’adhésion de toutes les parties prenantes impliquées dans la valorisation des farines locales et recueillir les avis sur la tenue de l’assemblée générale constitutive.

Cette projection est tributaire de la mise en place d’un tissu industriel robuste, capable de conquérir les marchés sur le continent, voire au-delà, et accompagner les mécanismes de substitution à l’importation, dont le corollaire est la promotion du « made in Cameroon » conformément à la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 du Cameroun, SND30.