Dr Jean Marie Biada: Les 5,2% ne permettent pas de faire face à l’inflation
L’économiste analyse le décret portant revalorisation de la rémunération mensuelle de base des personnels civils et militaires à un taux moyen de 5,2% et propose des solutions pour alléger le panier de la ménagère.
Le chef de l’Etat a signé le 06 mars 2023, un décret portant revalorisation de la rémunération mensuelle de base des personnels civils et militaires à un taux moyen de 5,2%. Quelle analyse faites-vous de cette décision?
L’acte pris par le chef de l’Etat vient confirmer, à mon sens, les trois grandes mesures contenues dans le communiqué publié par le Secrétaire général des services du Premier ministre (Sgpm), le 31 janvier 2023. La première mesure portait sur le prix du carburant et du gaz qui passaient de 570 Fcfa pour le Diesel à 720 Fcfa et de 630 Fcfa pour le Super à 730 Fcfa. Cette mesure est entrée en application à partie du 1er février 2023. La deuxième mesure annonçait une augmentation du solde des agents publics à un taux moyen de 5,2%. Ce décret vient donc donner une valeur juridique à ce que le communiqué avait déjà annoncé.
Cela veut dire que ceux qui ont déjà touché le salaire du mois de février devraient donc recevoir un complément en tenant compte du solde de base. La troisième mesure portait sur une augmentation du Smig qui devait passer de 36270 Fcfa à 41875 Fcfa. Dans l’annexe du décret signé par le chef de l’Etat le plus bas salaire pour les agents qui travail pour l’Etat et régis par le code du travail est de 41 875 Fcfa. Donc, ce décret vient intégrer cette autre nouveauté annoncée dans le communiqué signé le 32 janvier 2023 par le Sgpm.
Selin l’Institut national de la statistique (Ins), l’inflation a atteint une hausse de 6% en fin 2022. Cette augmentation du salaire de 5,2% peut-elle permettre aux bénéficiaires de faire face à la vie chère ?
Cette augmentation n’est pas à négliger. Ayant parcouru l’annexe de ce décret, on se rend compte que chez nous, ce sont les hommes en tenue qui sont bien logés, parce que tous les personnels fonctionnaires, enseignants d’université, magistrats qui sont à l’indice 1400 par exemple, ont un salaire de base de 355 278 Fcfa. Par contre, tous ceux qui portent la tenue ont entre 200 000 Fcfa de plus et 250 000Fcfa de plus. Le policier au même indice à 570 000Fcfa. Le militaire à l’indice 1400 est à 570 000Fcfa et ils sont les seuls à aller jusqu’à l’indice 1600. Le magistrat à l’indice 1400 est à 355 278 Fcfa, tout comme le professeur d’université… l’enseignant est tout en bas avec 140 000Fcfa en moins.
Donc, il en ressort que l’Etat traite bien les hommes en tenue et moyennement bien les fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique. Ceux qui sont gérés par le code du travail sont très mal gérés, au regard de leur salaire de base. Et ce sont des gens qui rarement vont accéder à des positions de décision et de pouvoir. La fonction publique devait faire l’effort de décloisonner parce que tout ce beau monde sert l’Etat.
Cependant, les 5,2% peuvent être neutralisés par l’inflation observée ces derniers mois. Un certificat de propriété passe par exemple de 3000Fcfa à 25 000Fcfa. Donc, plus de 8 fois plus. Tout est plus couteux. Le timbre passe de 1000Fcfa à 1500Fcfa. Le timbre de passeport coûte désormais 110 000Fcfa. A cela s’ajoute la cherté des denrées alimentaires dans les marchés. Cette inflation généralisée ne peut pas être contenue par les 5,2%.
En tant qu’économiste, quelle solution proposeriez-vous pour soulager les camerounais du cout élevé de la vie ?
Nous n’avons pas encore des outils assez structurés pour calculer le contenu du panier de la ménagère. En France par exemple, l’Institut national des statistiques et des études économiques a un panier de la ménagère qui a environ 157 produits de référence. Ce n’est pas encore le cas chez nous. Mais, on peut imaginer qu’il y a un certain nombre de produits vivriers qui sont consommés par tous les camerounais. On peut recenser une vingtaine de mets qui peuvent constituer le panier de la ménagère. Mais, tout cela n’est pas cultivé à l’échelle industrielle. Le macabo, manioc, patate, banane plantain, igname sont cultivés à l’échelle artisanale tout comme le maïs, le riz, le sorgho. C’est la raison pour laquelle on importe des millions de tonnes de ces produits.
Et donc, la crise alimentaire ne peut être traitée qu’au niveau de la production. Il faut produire à grande échelle. Tout ce que nous avons comme plantation exporte sa production. Ce n’est pas normal. Le levier sur lequel il faut activer est la production. L’Etat doit créer des plantations industrielles de ce que nous consommons au quotidien. Des plantations industrielles de riz, taro, macabo, manioc, plantain, d’huile de palme… Et cela nous permettra d’exporter sans problème et de créer les devises.
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