Barreau: les anciens bâtonniers sonnent le tocsin
Ils dénoncent le rôle joué par le gouvernement dans la mauvaise marche de l’exercice de cette profession et appellent les avocats au respect de la déontologie.
Par Blaise DJOUOKEP
« La conférence souligne qu’au regard de la profondeur des maux qui minent présentement notre Ordre, la tenue dune Assemblée générale extraordinaire est indispensable, et invite les nouveaux dirigeants qui sortiront des élections du 18 juin prochain à la convoquer sans délai ». Plus qu’une interpellation, c’est quasiment un S.O.S qui est lancé par les anciens bâtonniers de l’Ordre des avocats au barreau du Cameroun. Fatigués de voir l’exercice de la profession d’avocat aller de mal à pis, les huit anciens bâtonniers de l’Ordre des avocats du Cameroun se sont réunis en conférence le 16 avril 2022, sur invitation à une réflexion sur l’état du barreau, par leur doyen, le bâtonnier Yondo Black.
A l’unanimité et au regard des difficultés que rencontrent les avocats, lesquelles constituent des obstacles à l’exercice serein de leur profession, les ex-bâtonniers (sauf Me Ebanga Ewodo, indisponible) ont reconnu que le barreau ne se porte pas bien. « Le barreau va mal et les avocats ne sont pas en condition d’exercer sereinement leur métier », constatent-ils. Il s’agit des anciens bâtonniers Yondo Black, Patrice Monthé, Luke Sendze, Akere Tabeng Muna, Charles Tchoungang, Eta Besong Junior et Jackson Francis Ngnié Kamga. Dans une déclaration solennelle rendue publique le 5 mai à Douala, l’état des lieux laisse transparaître une situation désastreuse dans laquelle est plongé le barreau du Cameroun, ainsi que le citoyen camerounais. « Du fait de sa politisation et de sa communautarisation, le barreau du Cameroun a perdu toute sa place institutionnelle de gardien des libertés et des droits fondamentaux dans la société.
La conférence des anciens bâtonniers déplore que ce fait ait été suscité et entretenu par les pouvoirs publics qui ont entrepris et continuent de fragiliser le barreau, de paupériser ses membres et de se servir des divisions ainsi créées pour pérenniser leur emprise sur les droits et libertés au Cameroun », déplorent-ils. Non sans protester également contre le fait que les pouvoirs publics encouragent « la création de soi-disant organisations professionnelles concurrentes dépourvues de toute valeur déontologique, telles que les associations d’experts juridiques de toutes sortes, alors que la seule expertise qui tienne dans la pratique du droit ne revient universellement qu’à l’Ordre des avocats, lequel compte en son sein des avocats spécialisés dans toutes les disciplines juridiques ». Les anciens bâtonniers s’insurgent donc contre les brimades, bastonnades et brutalités des forces de police et de gendarmerie sur les avocats dans l’exercice de leurs fonctions, lesquelles violences peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement. Notamment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où des avocats ont été violentés, alors qu’ils manifestaient pacifiquement en robe, pour leurs droits légitimes.
Assemblée générale extraordinaire
Tout en s’engageant aux cotés des organes légitimes chargés de la gestion du barreau (bâtonnier et Conseil de l’ordre) à ouvrer en faveur de l’érection d’un véritable Etat de droit, la conférence des anciens bâtonniers « appelle les pouvoirs publics, et plus spécialement le ministre de la Justice à prendre des dispositions nécessaires pour mettre promptement un terme au mépris ainsi affiché à l’égard des avocats, lequel mépris a gangréné fortement les palais de justice de la République dans lesquels l’avocat na plus sa place auprès des magistrats, ceux-ci préférant traiter directement avec les justiciables, et leur accordant plus de considération en fonction des intérêts personnels qu’ils trouvent dans leur relations clandestines » Des abus qui ont abouti à la perte, par les avocats, des acquis et valeurs déontologiques obtenus pourtant de haute lutte par le barreau du Cameroun. Et parmi les raisons diagnostiquées par les anciens bâtonniers, on peut citer l’inobservation par une frange importante du Barreau, des valeurs déontologiques qui font la force et la singularité de l’Ordre. L’inobservance de ces valeurs semble être une des causes de la déconsidération des avocats en société.
La profondeur des maux oblige ces anciens bâtonniers à encourager la tenue dune assemblée générale extraordinaire (Age). Une assise au cours de laquelle les avocats feront un diagnostic de leur corps et élaborer un cahier de charges en vue de définir les chantiers prioritaires à engager en urgence.
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